Samedi soir, à la Cité des Arts, le Collectif Lookatmekid proposait la première représentation de Si Pina m’avait demandé et, comme le nom de ce collectif le suggère, il mérite franchement d’être visionné.
J’avais apprécié le précédent spectacle, Saut' la mer à l'envers, de ce collectif qui proposait une réflexion poétique sur l’exil et un subtil hommage aux origines réunionnaises de la danseuse Marion Schrotzenberger. Comme ça nous arrive finalement assez souvent à Bongou, je partais donc avec un a priori positif sur ce travail chorégraphique, souvent complété par de réjouissants accompagnements musicaux et cinématographiques. Or, si cette proposition est beaucoup plus minimaliste, l’absence d’artifices visuels n’a pas desservi cette vision intimiste.
D’intimiste à nombriliste, il n’y a parfois qu’un entrechat que l’interprète dégage illico avec une habile intro nous plongeant dans un échange téléphonique où il est question de relire la note d’intention de son spectacle en vue de l’obtention d’une aide à la création. Si le procédé n’est pas nouveau, la scène est jouée avec brio et démontre un sens de l’autodérision plutôt bienvenu dans ce milieu contemporain riche en emphatique baragouin.
La force de ce presque seule-en-scène est d’alterner des temps dansés et des performances théâtralisées parfaitement interprétées. On retrouve la patte cynique du chorégraphe Éric Languet dans ces scènes de la vie quotidienne habilement croquées avec des répliques qui font souvent marrer. Marion Schrotzenberger nous dépeint le quotidien d’une mère trentenaire, obnubilée par son nouveau spectacle sur Pina Bausch et obligée de jongler avec les tracas routiniers de sa vie de mère célibataire : deux enfants aussi attendrissants qu’envahissants, des parents gentiment insistants et l’adaptation de tous les instants imposée par son mode de vie itinérant. Au fur et à mesure, ces sphères professionnelles et privées vont avoir tendance à fusionner dans une répétition de gestes savamment désordonnés.
En creusant sa propre vie, son passé, sa vie de couple, sa crise de la quarantaine anticipée, l’hommage à la danse-théâtre inventée par Pina Bausch est mené tambour battant et fumant. Ce bilan de parcours s’apparente à un auto rendez-vous de carrière dont la dimension psychologique n’est pas plombante et au contraire vivifiante. Le féminisme rime avec optimisme et les angoisses existentielles tournent souvent au spirituel. Côté musique, c’est l’éclectisme total. Les multiples escapades sonores rythment la narration et les incarnées gestuelles ont la part belle, notamment sur cet entraînant morceau chanté en allemand avec des mouvements fluides, nerveux et ce récurrent ballet de cheveux.
Quand les danseurs se mettent à tchatcher c’est pas toujours gagné mais Marion Schrotzenberger propose une interprétation engagée et second degré, contemporaine et accessible, intime et universelle que je vous conseille d’aller apprécier le samedi 20 février au Théâtre de Pierrefonds ou le jeudi 25 février à Lespas.
Manzi