Je n’avais jamais vu un spectacle de la compagnie Théâtre Enfance, dirigée par Catherine Saget. Sa nouvelle création «Ne pas ouvrir, confidences d’une grosse patate » propose une réflexion sur l’obésité adolescente, traitée sur le mode du voyage intertextuel (d’après les œuvres de Perrault, Hugo, Prévert, Éluard, Aragon, etc). Le résultat est un galimatias bien plat que je te décris de ce pas.
Deux agents en mission enquêtent sur la disparition d’une jeune fille en surpoids qui a laissé dans sa chambre des indices sous forme d’écrits divers. Ils sont si rapidement trouvés que tout suspens est écarté. Premier raté. En effet, le spectacle est construit sur la lecture successive de ces lettres, entrecoupée de séquences de conte de fée, version théâtre d’objet. À ce stade, le rapport entre les deux n’est pas explicité. De fait, entre quête identitaire et échappées contées, la dramaturgie se perd.
Côté décor — mention spéciale à l’inventivité de Clément Striano qui a réussi à installer une identité rigolote dans cette scéno vieillotte — le cadre de l’enquête n’a pas non plus été exploité. Les comédiens se contentent de déplacer les objets, et cette succession molle de tableaux plombe le tempo.
Cela n’a pas aidé les comédiens. Difficile pour Sébastien Deroi de retrouver l’espièglerie décalée qui m’avait amusée dans Les Contes à la Perrault. Son personnage un peu falot peine dans ce duo avec Catherine Saget, dont les interventions sont souvent surjouées. Si elle multiplie les tentatives parodiques ou dramatiques, ses imitations humoristiques n’ont pas déridé les ados Youtubeur habitués à d’autres saveurs. Quant aux écrans de fumée déployés, et autres traces de faux sang sur fond sonore monté, voilà longtemps qu’ils ne font plus trembler. Même le talent de Thierry Desseaux à la création musicale n’a pu éviter le fiasco.
Ceci pose la question du public visé. Quand on s’adresse aux 11 /15 ans à grands coups de princesses et de chansons désuètes (Piaf et « N’écris pas » de Julien Clerc), on les perd.
Reste une réflexion sur l’obésité qui aligne les clichés : manger ne comblera pas le vide de son cœur, découvre l’adolescente rêvant de bals et de robes meringue. Dommage qu’Apocalypse Bébé, de Despentes, qui met des explosifs dans le vagin des jeunes filles, ne figure pas dans les morceaux choisis. Elle aurait déboulonné ces poncifs enferrés dans un théâtre d’objet au premier degré, où loin de les détourner on les nomme en plus de les montrer. On serait sortis soulagés.
Quant à la morale, elle m’a été fatale : « Dans chaque corps il y a un cœur qui bat », explique la comédienne tandis que Sébastien Deroi nous colle un cœur clignotant sur le frigo, en guise d’astuce pour les nigauds. Ce spectacle qui semble ignorer les progrès de la création contemporaine devrait joyeusement en prendre de la graine.
Zerbinette
Photo © Enilorac Photography