Ce week-end avaient lieu les deux premières représentations de Gâté par la Compagnie Lantouraz. Évidemment, Bongou qui a toujours faim de culture mais la tête dure s’est retrouvé vendredi au Grand Marché et se propose de débriefer. Une fois n’est pas coutume, on est à peu près raccord sur l’amertume mais on promet d’ajuster le volume.
MANZI : Zerbi, tu connais notre réputation de gros méchants contre le théâtre local émergent alors on va la jouer propre et pas sortir de détergent. En tant que fée du logis, tu es restée complètement hermétique à cette divagation autour du chéri et du pourri. On peut quand même trouver des motifs de satisfaction dans cette représentation, non ?
ZERBI : Oui l’ami Manzi. Les comédiens, jeunes et sympathiques ont le courage de continuer à créer et à travailler malgré le tu-sais-quoi. Chloé Lavaud a le mérite d’avoir tenté l’originalité en proposant un spectacle composite autour de la déconstruction. Le problème, c’est que t’as piqué du nez à peine le premier quart d’heure passé. Le théâtre est semble-t-il un lieu d’agôn. Si on ne comprend pas les enjeux, que les dialogues se font verbiage et la scéno répétitive comme les tableaux, ça devient compliqué d’adhérer. Pourtant, je t’ai entendu rigoler…
MANZI : Bin oui, moi je fais comme c’est écrit dans le descriptif: “la Cie Lantouraz mêle théâtre, danse, musique, réflexions profondes et vrais grands moment de rire”. Honnêtement, j’ai aussi peu rigolé que pioncé et t’as beau être saint-gilloise avec ta vue sur l’agôn, j’en appelle à Molière et je réclame la VAR. Je reconnais que la tirade grivoise (en français) en direction d’un spectateur éclairé m’a fait pouffer mais je me souviens surtout d’avoir tapé du pied dans la deuxième moitié, bien émoustillé par les beats de BoogzBrown et la présence au plateau du multi-instrumentiste Emmanuel Turpin. À défaut de comprendre quelque chose de profond, je me suis laissé porté par ces sons organiques et les corps en mouvement ont proposé par intermittence des tableaux esthétisants. Cette profusion de gestuelles délurées ne t’a pas (un peu) rappelé l’énergie communicative des Chiens de Navarre ou du Raoul Collectif?
ZERBI: Eh bien pas du tout ! D’abord parce que ces gesticulations gratuites et cris survoltés tendaient au surjoué. Ensuite parce que les dialogues ne sont ni vraiment drôles ni même poétiques, enfin parce que la thématique survivaliste suggérée par cet amas de fripes apocalyptique n’a été que survolée. Quel dommage, la matière mouvante sur le plateau offrait au commencement un spectacle nouveau. On finit par s’y embourber sans comprendre ce qui nous est raconté. Dommage aussi que les scènes s’étirent, détruisant systématiquement l’effet de surprise. Je rejoins cependant ton enthousiasme pour la création sonore d’Emmanuel Turpin, bouée qui m’a sauvée du raz-de-marée, pendant que les énergumènes se trémoussaient. Bref, Manzi, un spectacle à conseiller ?
MANZI: La voilà LA question qui devrait clôturer toute critique de spectacle et ma réponse en toute subjectivité est malheureusement… non. Je t’ai tendu une branche moisie sur la précédente question et je te rejoins sur ton argumentation. Dès le début, le fait d’avoir dévoilé les quatre comédiens a ruiné l’effet mouvant plutôt réussi de cet amas de vêtements. Au lieu d’y percevoir des oscillations telluriques ou autres apparitions prophétiques, je ne pouvais m’empêcher de penser à la Grande Crado du Fraggle Rock (désolé pour la référence de gâteux) et aux manipulateurs coincés sous le drapé. La multiplication des élucubrations ne m’a jamais emporté dans un tourbillon d’émotions et je n’ai pas été subjugué par l’esthétique générale, ponctuée par ce final aux allures de free party de zadistes transis. Ce kabar survolté n’incarne pas ce vent nouveau de liberté, cette humanité régénérée, la faute à des intentions discursives trop alambiquées et à un peu trop de solennité.
Prochaine représentation de Gâté au Kabardock le mardi 14 septembre, à 19h
@ Photos Sébastien Marchal