Le festival Leu Tempo, tu te rappelles ? Cette aire de restauration à ciel ouvert, sa procession braillarde, ses places farcies d’enfants non masqués et émerveillés, ces parents extatiques applaudissant sans gel hydroalcoolique et souvent de petites perles de théâtre d’objets, comme le touchant Ma biche et mon lapin du collectif Aïe Aïe Aïe. La pandémie a retardé le plaisir de retrouver cette compagnie pour l’une de ses nouvelles créations Ersatz mais plus longue fut l’attente, plus savoureux fut le succédané.
Je ne vais pas vous mentir, je suis un inconditionnel de théâtre d’objets car j’apprécie sa simplicité, son universalité et sa proximité engageante pour le spectateur. Encore faut-il une sacrée dose de talent, de créativité et de perfectionnement. Ça tombe bien le collectif Aïe Aïe Aïe réunit toutes ces conditions en y ajoutant un questionnement. Le spectacle commence par de légers esclaffements puis un émerveillement rémanent pour se conclure par un dénouement aussi émouvant que préoccupant.
Pour une vision dystopique originale de notre futur, oubliez Big Bug de Jean-Pierre Jeunet qui nous a pondu un mauvais épisode de Black Mirror et foncez voir ce bijou d’invention DIY qu’est Ersatz. Il peut paraître incongru de comparer un long-métrage et cette courte forme de spectacle vivant sauf qu’on retrouve justement dans ce théâtre de table l’ingéniosité bricolée du duo Carot/Jeunet de la belle époque avec une touche de technologie lo-fi. Surtout, ça se déroule en temps réel, tout près de nos yeux époustouflés, avec un humanoïde bien en chair.
Je ne veux pas trop divulguer les détails de cette brillante création car il est important que chacun construise sa propre interprétation, selon sa sensibilité et les détails observés. Sachez que ce travail est d’une esthétique clinique, contrebalancée par l’utilisation de matières plus familières. Ce brouillamini d’analogique et de numérique, d’origami substantiel et de réalité virtuelle incarne à merveille cet humain de demain, ce remplaçant peu convaincant. Les effets sonores interfèrent avec une rare précision et la gestuelle du marionnettiste est parfaitement synchronisée, même quand son visage se trouve dissimulé sous des masques aussi élégants qu’inquiétants. Quand un objet choit, c’est évidemment un choix. Plus besoin de discours pour se diriger vers l’issue de secours de ce transhumanisme souffrant déjà d’anévrisme.
Prochaines représentations:
Mercredi 23 février, à la Médiathèque du Tampon à 17 heures (jauge limitée à 75 places)