Vendredi 26 février, à la Cité des Arts, avait lieu la troisième et dernière représentation de No Man’s Land à La Réunion. Cette pièce chorégraphique de la compagnie Paul Les Oiseaux méritait bien un battement d’ailes de Manzi, notre choucas trop chou.
No Man’s Land, un titre de spectacle malheureusement bien nommé pour cette soirée tant la salle du fanal était clairsemée. Pourtant les représentations à Lucet Langenier et à Lespas (dont sont issues toutes les photos, merci Olivier Padre) affichaient complet. Avec Labelle à la bande-son, je m’attendais à voir débouler toute la scène électro dionysienne, massivement présente sur les réseaux numériques mais terriblement absente pour constituer un vrai public. Devait sûrement y avoir un Dj Set d’un énième pousseur de boutons sur ramdam.live… Dommage pour vous les gars car sa création sonore était vraiment exaltante et m’a même réconciliée avec son univers musical dans lequel j’ai souvent des difficultés à m’élever tellement il est perché et référencé.
Oui j’avoue : les boucles de notre locale frisouille ont tendance à me bercer et je me sens comme un ion négatif, résistant à cette ambient cosmogonique unanimement louée. Vu le thème social de cette pièce, Mister InFiné est revenu sur Terre et a enfin tapé du pied, en faisant transpirer une belle humanité sans laisser de côté sa cérébralité. C’était poétique, organique, tout ce que vous voulez en -ique mais surtout avec une puissance homérique, décuplée par des chorégraphies émouvantes et énergiques. Après la prod’ entêtante de Kwalud pour la Compagnie 3.0 - Édith Château, on ne peut que se réjouir d’avoir de tels cadors pour transcender les créations dansées ou théâtrales locales.
Dans cette proposition, il est question d’interroger la place de l’étranger dans nos sociétés. Vaste programme surtout quand on décide d’utiliser la danse pour incarner le périple des immigrés. Disons-le de suite, si vous cherchez des réponses politiques, ce n’est pas du côté de la danse que votre argumentation sera comblée mais ce point de vue artistique a le mérite de nous décentrer et de nous confronter à une réalité d’exilés, même si elle est subjective et agrémentée. Côté scénographie, c’est plutôt minimaliste avec une piste délimitée par les rails d’un train miniature et un duo vêtu de sapes parfaitement Normcore. Oubliez les planches de La Scala et projetez-vous dans un centre de rétention de Lampedusa.
Certes, on ne va pas rigoler mais l’interprétation tantôt impétueuse tantôt langoureuse des deux danseurs, Maureen Mouttou et Robin Fabre Elissalde, a su me faire vibrer. Sans tomber dans le pantomime, ils arrivent à nous projeter dans un décor, une émotion et la variété des gestuelles ne tombe jamais dans d’insondables arabesques. L’engagement et la simultanéité des chorégraphies permettent au spectateur non initié d’être épaté et interrogé. Quand la musique, un jeu de lumières et un tournoiement de bras se synchronisent, ce sont tous nos sens qui s’électrisent et nos pouls se réinitialisent. Si les tableaux physiquement engagés m’ont particulièrement enthousiasmés, je retiendrai également cet instant de suspension, bercé par la voix familière de Maya Kamaty, fidèle compère de ces flâneries Labellisées.
Il faut sans doute être un peu sensibilisé aux codes de la danse contemporaine pour totalement s’abandonner – j’ai vu quelques jeunes spectateurs se faire la malle – et cette représentation aurait mérité une audience plus serrée tant la performance sensible et engagée de cette compagnie a été sublimée par une création sonore de qualité.
Manzi