ÇA SENT LE SUCCÈS, LA VANILLE ET LE CUMIN

Samedi soir, au Théâtre Luc Donat, se tenait la première représentation de Le Parfum d’Edmond par la Compagnie Baba Sifon. Aventurier par nature, j’embarquais pour l’occasion ma moitié toujours à 50% motivée par ses virées et mon ado de fils pour qui l’appellation « jeune public » rime désormais avec « panique ». Et bien figurez-vous que ce trio critique est sorti de ce spectacle tout guilleret et prêt à recommander cette revigorante pièce jeune public sans guillemets.

Premièrement, cette pièce est une adaptation réussie de l’enthousiasmant ouvrage éponyme écrit par Laurent Contamin, finement illustré par Clara-k et disponible dès cette semaine en librairie grâce au fourmillant éditeur réunionnais, Zébulo Éditions.

Je sais ça vous fait bizarre de lire autant de superlatifs positifs dans une même phrase sur Bongou mais il faut savoir être dithyrambique quand un spectacle rencontre son public. Et je ne parle pas forcément du spectateur semi-professionnel que je suis devenu à force de tribulations et d’invitations mais plutôt des enfants (âgés d’au moins 8 ans) à qui cette pièce théâtrale est destinée. Et si ça marche sur les enfants c’est donc les enseignants qui peuvent en sortir gagnants, surtout quand la maison d’édition met un complet dossier pédagogique à disposition.

© Cédric Demaison - Le Studio Éphémère

Cette quête initiatique de deux adolescentes, Fred et Nora, désirant reconstituer le parfum de la grand-mère défunte en traversant les paysages, les époques, les légendes créoles à la découverte des plantes de La Réunion est un support privilégié pour découvrir ou réinvestir des connaissances pluridisciplinaires sur notre belle île, notamment l’histoire emblématique de l’esclave Edmond Albius. Vous avez compris que cette pièce a de belles tournées à venir et plein d’écoliers et collégiens à instruire, à divertir. Sur le fond, c’est du tout bon ; encore fallait-il qu’une alchimie se produise avec la Compagnie Baba Sifon pour éviter une démonstration labellisée Éducation, sans émotion.

© Cédric Demaison - Le Studio Éphémère

Pour toute bonne recette, il faut de bons ingrédients et surtout un bon chef pour y mettre de l’identité et du liant. Bénédicte Guichardon, à la mise en scène, et Pascale Grillandini à la dramaturgie proposent une pièce accessible, intelligente et adaptée au jeune public avec une création sonore et musicale ludique et exigeante. L’ensemble du dispositif scénique n’a rien de profondément innovant mais tout est cohérent avec des décors surannés et colorés, du théâtre d’objets appliqué, des jeux d’ombres élégants, des changements de plateaux astucieux et un cadencement de jeux avec ou sans masques harmonieux.

© Cédric Demaison - Le Studio Éphémère

Il faut surtout mettre en avant les deux actrices dont les partitions variées rendent les dialogues encore plus frais. Fagotée dans un costume ballonné par un gros z’oreiller, Léone Louis excelle dans ses mimiques de gros zozo burlesque tandis que Chloé Lavaud-Almar s’éclate en doublage d’oiseau Bellier (joli costume au passage) totalement cartoonesque. Pour cette dernière, il faut souligner l’ingéniosité et la virtuosité de sa double incarnation du pistil femelle et de l'anthère (organe mâle de la fleur de vanillier). Pardon ? Vous aviez oublié ces notions élémentaires de botanique ? Voilà une des multiples raisons pour laquelle vous allez vous précipiter avec vos descendances remettre à jour vos connaissances et profiter d’un théâtre péi inventif et récréatif.

© Cédric Demaison - Le Studio Éphémère