QU’AVEZ-VOUS FAIT DE MON GIVRAN ?

La pluie pleure et Bongou aussi. Qu’avez-vous fait de mon Givran, voilà la question qui m’a taraudée hier, lors de la première de La pluie pleure, dernier opus de la compagnie « Qu’avez-vous fait de ma bonté ». Heure durant laquelle j’ai attendu que le spectacle commence, jusqu’à la fin. En vain.

Certes, je plaçais beaucoup d’espoir dans cette création. D’abord parce qu’elle ouvrait la saison des Teat, après 5 mois de fermeture forcée. Ensuite parce que je me suis toujours régalée de l’audace de Givran, qu’il s’agisse du brillant comédien insultant son public avec les mots de Liddell dans l’Île, du musicien grimé en indépendantiste radicalisé retournant ses saucisses en plein concert de Tricodpo, ou du metteur en scène sulfureux de Qu’avez-vous fait de ma bonté.

Le pitch de ce spectacle pour jeunesse, promettait donc un sujet à la hauteur des habituelles provocations de l’artiste. Il s’agissait de traiter des « garçons-o-sexuels », ou de l’homosexualité enfantine, à travers une fable hétéroclite, reposant sur un duo de comédiens, version blockbuster poétique. Avec Samy Pageaux Waro, Zanmari Baré et Kwalud à la création sonore, l’habillage musical sublimé par les montages vidéo proposait d’emblée un univers alléchant, à la croisée des arts. 

Dès son entrée, j’ai eu peu d’affection pour Ben, le personnage principal, caricature de grand dadais pas assez drôle pour faire rire, ni assez poignant pour faire pleurer. Marqué par un drame familial assez banal dans l’univers du conte : il ne connaît pas son géniteur, il tente donc de le retrouver dans un paquet de vignettes Panini. Alors qu’il se cherche un papa footballeur, Givran déploie une scéno pleine de trouvailles, piochées dans l’univers des années 80. Ça, c’est plutôt réussi. 

Coup de cœur pour la marraine,  cow boy habitant la fenêtre d’une page web,  projetée en fond de scène, donnant au récit des allures de western. Le chœur antique, incarné par ce bourru débonnaire a offert quelques instants de grâce dans le marasme des dialogues. Tout comme la video enfermant la mère du héros, dans une boule de neige, patinant autour d’un balai. Malheureusement, comme le procédé est largement répété, on finit par se lasser. 

Jusque là donc, l’histoire n’a toujours pas commencé. Entre alors Spiderman, allias Victor, monté sur patins lumineux. Si visuellement, son arrivée est assez réussie, les dialogues décousus qui s’ensuivent achèvent d’installer notre incompréhension. Malgré le lien que tentent de construire les répliques, le duo ne fonctionne pas. On ne comprend pas ce qui unit ces deux-là, en dépit des combats, plutôt gratuits, et autres facéties qui tombent dans l’eau de cette nuit pluvieuse.

L’agôn de la narration arrive (enfin) sous forme de lettre, que Spiderman, alias Victor âgé de 8 ans, adresse à la ministre Taubira, concernant sa loi sur le mariage pour tous. Il y demande la permission d’être légalement « garçon-o-sexuel », ce qui lui permettra de vivre librement son amour pour Jérémy. Cette lettre, bijou poétique par ses barbarismes syntaxiques, projetée dans le ciel galactique de Star Wars m’a enchantée, parce qu’on atteignait enfin l’authenticité d’un propos enfantin, dont finalement, Givran ne fait rien.

Victor tombe et la tension dramatique de même. S’ensuit un embrouillamini d’effets visuels et sonores jusqu’au final, létal. Dans une nuit constellée, Ben se peinturlure, la scène s’étire comme notre ennui et enfin on applaudit.

Mais si j’ai toujours apprécié l’humilité de Givran, j’ai peu goûté la triple prise d’otage proposée par un final, où le spectateur, après avoir applaudi les comédiens, est replongé dans le noir pour saluer le dernier tableau, puis le générique. On nous force la main, mais on nous donne peu de clefs. La magie n’a pas opéré.

Zerbinette