Vendredi 31 mars, Emmanuel Gil proposait son seul(s)-en-scène Trop près du mur au Séchoir et je m’y suis rendu pas forcément convaincu. En 2019, son spectacle Le délirium du papillon avait emballé ma comparse Zerbinette (à lire ICI) alors que mon ressenti était moins à la fête. Cette fois-ci, plus aucune hésitation, ce clown a sa place au Panthéon des bouffons.
Si je ne suis pas complètement coulrophobe, je reconnais une méfiance vis à vis de ce genre d’histrion usant des sempiternels artifices (nez rouge, grosses godasses, maquillage du visage en noir/blanc) et de modulations vocales de ventriloque oscillant entre le nasal Gollum et la gutturale créature d’outre-tombe. Ça tombe mal puisque c’est exactement ce que propose ce comédien avec en sus un dialogue entre l’acteur et ce clown dérangé qui l’habite. Autant dire un calvaire intégral si la prestation flirte avec la médiocrité. Après avoir enduré moult festivals, je sais malheureusement de quoi je parle.
Pour convaincre ma moitié de réserver sa place pour l’une des prochaines représentations, je lui ai pourtant servi cette soupe et, au vu de sa grimace, je fus contraint de sortir la grosse artillerie : « Oublie ce baratin et je te promets que c’est (presque) aussi bien que Fred Blin ! ». Si vous n’avez pas cette référence, sachez qu’on parle de l’homme qui nous a fait le plus rire ces dernières années même s’il officie dans un registre clownesque beaucoup plus absurde et burlesque. Patience, il est bientôt programmé et mieux vaut vous préparer…
Oui, Emmanuel Gil est aussi un génie de la clownerie. Débuter ce genre de spectacle non grimé et nous expliquer la genèse du projet tout en apprêtant sa métamorphose est un pari franchement osé. Pour ne pas dire casse-gueule. Sauf que le monsieur est un as de la tchatche, que son texte est ciselé et qu’il excelle dans les impros. Ajoutez l’intégration parcimonieuse et lumineuse du créole dans son art de l’à-propos et c’est banco. Si vous cherchiez comment illustrer le terme “alacrité”, c’est gagné. Son alter égo déglingo propose un argot oscillant entre jeux de mots, poésie et philo qui pose toujours les questions qu’il faut.
Trop près du mur est un spectacle participatif dans lequel le clown (affublé parfois de sa fraîche progéniture) quitte fréquemment le plateau pour haranguer le spectateur, le faire réagir, voire créer le malaise. J’aimerais vous affirmer que c’est bienveillant mais mon voisin à dreads ne pourra vous en dire autant. Malgré l’innocence de son avatar, ses interrogations sont ancrées dans notre réalité, dans l’actualité et chamboulent les préceptes de la parentalité. Chaque saillie fait mouche et les bons mots se ramassent à la louche. Tout le monde est concerné, de mon ado qui n’a cessé de s’esclaffer à son père bien obligé d’opiner dans les mêmes spasmes d’hilarité. Avec candeur, Typhus propage son irrévérencieuse sagesse en alternant les tableaux glaçants tout en demeurant marrant et conscient. À voir en famille mais avec des enfants plus grands que 10 ans selon mon point de vue (sûrement chiant) d’enseignant.
Prochaines dates (malheureusement presque toutes complètes):
Mardi 4 avril au Centre Culturel Lucet Langenier