Jeudi soir, la soirée parisienne qu’il ne fallait pas louper c’était la nuit de la pop culture au Ground Control. À La Réunion, la soirée la plus pop était du côté de Lespas, certes sans Antoine De Caunes mais avec une nouvelle icône : la truculente et ravissante Tine Poppy.
Je ne sais pas pourquoi Caroline Maillot a choisi ce nom de scène, Tine Poppy, mais elle m’a immédiatement converti en tiny puppy. Ne connaissant pas grand chose de cette ségatière, je fus sous le charme dès cette première. Déjà, Tiny Poppy est très jolie et son charme de girl next door met tout le monde d’accord. Si l’apparat de la diva est un agréable appât, c’est sa personnalité complexe et décomplexée qui va me faire chavirer. Son spectacle n’est pas un énième tour de chant revisité mais un vrai cabaret qui nous fait plonger dans son intimité avec beaucoup de sincérité. Essayer de divertir en racontant les déboires de sa vie est un pari risqué car il peut vite sombrer dans une narration autocentrée et mille fois exposée. La séga-thérapie proposée par cette artiste alterne autodérision et jouissives railleries, notamment sur le monde dégoulinant du coaching en psychologie positive.
N’attendez pas non plus un stand-up caustique à la Blanche Gardin mais quel bonheur de voir une chanteuse revendiquer un spectacle total en assumant son statut d’entertaineuse. Ça nous change de ces cantatrices aux relances convenues (Koman i lé La réunion?), aux mines trop austères (la musique c’est sérieux, mec) ou au charisme faussement ingénu (si je me cache derrière ma frange c’est que je suis à fleur de peau). Attention, tout n’était pas parfait dans ce show encore tout chaud : les interactions avec les musiciens fonctionnaient parfois moyen, la rythmique comique a connu quelques hics mais l’entièreté de sa personnalité rattrapait toujours les petits manques de spontanéité.
Et la musique dans tout ça ? Je ne suis pas un expert en séga – paraît que le maloya serait de gauche et le séga de droite - mais son caractère populaire m’a toujours rendu cette musique assez familière. J’imagine que de cette polémique, Tine Poppy n’en a cure car à pleines dents, le séga elle triture. Si elle s’amuse à bousculer ses codes, l’âme du séga n’est jamais altérée et l’esprit festif demeure. Les morceaux aux influences dub fonctionnent à merveille et quelle malicieuse idée de vanter son amour du séga sur un morceau plus proche de la bossa nova. La fusion des styles musicaux n’est jamais boursouflée, les échappées sont finement intégrées au rythme ternaire chaloupé et toutes les chansons demeurent des invitations à bouger. Quand les musiciens proposent des solos, ce n’est jamais en mode guitar hero et le groupe se remet illico sur le tempo de la voix fringante de Caroline Maillot. La reprise de Girls Just Want To Have fun de Cyndi Lauper montre ses facilités vocales et sa capacité à faire évoluer un titre quelque peu éventé vers des horizons plus délurés et distanciés.
Vous l’aurez compris, Mesdemoiselles, Messieurs, la société, arrêtez donc de vous ruiner en stages de développement personnel et attendez sa prochaine tournée pour vous remettre en selle. Vous comprendrez alors que la résilience passe par la danse et que le séga c’est encore plus fort que ça.
Manzi
Un grand merci à Olivier Padre pour les photos!