L’AMOUR DU RISQUE

Maillot et Le Flaouter / Les circassiens pluridisciplinaires ♪♫♪♫

L’amour du risque / C’est vraiment leur grande affaire ♪♫♪♫

Vincent Maillot woh oh oh / Virginie Le Flaouter  woh oh oh

Désolé pour ce chapô aux références d’un autre siècle mais c’est Zerbinette qui avait commencé en tuant le game de la titraille avec son " Chéri, fais-moi peur “ ; papier que je vous conseille de lire tant elle y décrit avec précision et sensibilité le conte circassien “Appuie-toi sur Moi” de la Compagnie Cirquons Flex que Bongou a eu la chance de voir jeudi et vendredi à Champ Fleuri. Histoire de ne pas nous répéter – pour une fois, nous avons tous les deux fortement apprécié – je vais la jouer à l’envers en vous proposant un inventaire de toutes les facilités dans lesquelles ce spectacle ne s’est pas réfugié.

Primo, j’ai souvent un peu de mal quand le cirque se met à causer car le jeu d’acteurs n’est pas toujours à la hauteur ; les acrobaties venant illustrer les propos de façon trop attendue et schématique.  Ce n’est pas le cas dans ce dialogue de couple, aux paroles certes ingénues mais jamais cul-cul servant de liant aux démonstrations athlétiques aussi physiques qu’oniriques.

Secundo, je reconnais que je ne suis pas un adepte du mât chinois. Pourtant, la contrainte de cet unique agrès a engendré de belles libertés et produit des mouvements épurés et décélérés avec des tournoiements vraiment impressionnants, à quelques centimètres des gens.

Tertio, l’esthétique de ce palc est minutieusement chiadée sans être trop imitée. Je dois vous avouer que j’en ai bouffé des propositions en palc qui pensent qu’il suffit de créer une atmosphère intime pour impressionner le spectateur hébété.  Faire voyager le spectateur dans le temps n’est pas suffisant, encore faut-il proposer un univers graphiquement innovant. Le palc de Cirquons Flex est beau ; l’habillage lumière oscille entre teintes surannées et éclairages leds d’une subtile contemporanéité. Les fringues ne sont pas des fripes et se combinent avec une belle tonalité safranisée.

Quarto, l’environnement musical  n’est pas trop étiqueté « cirque bohème émerveillé » qu’on continue de nous servir dans les festivals de théâtre de rue peu inspirés. En juillet, j’ai eu la chance de me régaler devant Campana du Cirque Trottola, un monument de ce type de cirque ultra référencé alors autant dire que la barre était  bien élevée. Là encore, rien à jeter. Même l’utilisation du morceau de la Mano Negra “Pas assez de toi”  (emblématique d’un âge d’or musical français dont le nouveau cirque devrait un peu s’émanciper) n’est pas totémique et tombe à pic.  Il en va de même pour la musique jouée en live à base de loops construites sous nos yeux par Sébastien Huaulmé : c’est contemporain, c’est vivant, ça sonne tout le temps, ça sublime la narration et l’intermède à la trompette-sourdine jouée par Vincent Maillot ne brasse pas du vent. Mention spéciale à l’envolée noise de fin de spectacle illustrant à merveille le tourbillon émotionnel inhérent à toute vie de couple et concluant cette réflexion sur une note aussi exaltée que torturée.

Quinto, venons-en au propos. Certes, le thème des tourments d’un couple a déjà été usé mais leurs confidences transpirent la sincérité  et la proximité du dispositif renforce notre complicité. Il suffisait d’écouter les remerciements de fin de cette 34ème représentation pour mesurer l’authenticité de ces deux artistes. Bravo également pour ce passage costumé où Vincent « Elmer Fudd » Maillot dégomme sa femme avec son fusil cartoonesque : cette rupture stylistique apporte une respiration inattendue, une cascade impeccable et une métaphore originale pour exprimer la nécessité de tuer l’Autre. À ce titre, il faut féliciter Gilles Cailleau (Cie Attention Fragile) pour la mise en piste : ce metteur en scène engagé viendra présenter sa pièce “Le nouveau monde” en novembre au Grand Marché et à la Ravine Saint Leu grâce au Séchoir. Bongou l’a déjà vue mais y retournera avec plaisir. T’inquiètes on t’en reparlera.

Manzi

© photo: Romain Philippon