Avec son costume à la Mr Bean et son accent québécois à réveiller un mort, Patrick Léonard n'a rien du jeune premier de la piste aux étoiles. Derrière les prouesses et pitreries de Patinoire, one man show du cirque nouveau ; l'histoire d'un acharné qui a compris comment choir sans déchoir.
En 2010, Patrick Léonard, cofondateur des 7 doigts de la main, se blesse lors d'une représentation. Le voilà opéré du genou et immobilisé pour quelques mois. On imagine le drame, pour cet athlète habitué à l'exercice quotidien. Le bougre, quoiqu'il en soit, ne se laisse pas abattre. Il demande au circassien confirmé Nicolas Cantin de l'aider à créer un spectacle solo, pour exorciser ” ces moments d'inconfort “. Patinoire est né.
On comprend mieux de fait, la multiplication des entraves faites au corps dans cette création semée d'embûches. Dans ce show solo, tout fait obstacle à la volonté de l'artiste. Les pieds de table ploient, les dossiers de chaises se cassent, et quand il pleut des cordes, c'est pour assommer le clown ou l'étrangler. Autant de guignes existentielles que Léonard contourne avec une obstination farcesque. Et un acharnement touchant.
Dès lors, la virtuosité de cet artiste complet, aussi habile dans le mime que les acrobaties, est déployée pour lutter contre le mauvais sort. Léonard, c'est Sisyphe et son rocher. Capable d'escalader un improbable amoncellement d'enceintes sur une table branlante. Ou de faire le tour complet d'une chaise posée en équilibre sur 4 bouteilles de champagne, en passant entre l'assise et le dossier. Stupéfiant et taré.
Et pourtant, outre la difficulté des exercices réalisés, Leonard fait le choix de la simplicité. Scéno vintage et objets désuets. Costume de scène étriqué et couleurs fanées. Tours de force et potacheries s'enchainent sans que les exercices les plus complexes soient glorifiés par la mise en scène. Pas de glace mais la grande classe sur cette patinoire existentielle. En fin de parcours, cet artiste généreux s'autorise la veste à paillettes pour prendre un bain de foule. Raccompagne le public jusque dans le hall du théâtre. Enchaine trois gags entre deux selfies. Pas star pour un sou malgré les groupies.
” Mettre tout en équilibre, c'est bien ; mettre tout en harmonie, c'est mieux. ” écrivait Hugo. Pari tenu haut les sept doigts de la main pour ce sacré canadien.
Zerbinette