Bilimbi et Girimbelle, la nouvelle création musicale des Pat'jaune, accompagnés par Jacqueline Farreyrol, devait être l'un des spectacles phare du Toto Total. Le programme l'annonçait, avec tambour et trompettes, comme ” Une saga séga prête à devenir un classique instantané “. Le résultat fut un gros couac.
Le danger qui guette toute création jeune public, c'est la niaiserie. Elle est souvent justifiée par le besoin qu'ont les adultes de percevoir l'enfance comme la bonbonnière de leurs mièvreries perdues. Ce conte musical écolo, qui devait nous porter vers les sommets d'un piton magique s'est embourbé. Je te livre brave lecteur les 4 raisons de mon affliction.
1. L'histoire
Le bilimbi est un fruit de la famille des Oxalidacées. Bref, un arbre à cornichons. La Girimbelle est une groseille. L'histoire se construit autour de la rencontre de ces deux végétaux parlants, qui traversent la forêt primaire pour aller chercher de l'eau. Soit. L'effort pour ancrer le récit dans la réalité du paysage réunionnais est laborieux. Mais il ne suffit pas de verser tous les éléments de la faune et de la flore locale dans la marmite narrative pour que la mayonnaise prenne. Concrètement, le pitch est plat comme un jeu de l'oie. Ajoutons que côté écriture, c'est la déconfiture. Avec des refrains tels que ” L'eau, l'air, la terre et le feu, c'est tout ce qu'il nous faut pour être heureux “, on se dit que Chantal Goya n'aurait pas fait mieux.
2. Les interprètes
En voyant arriver les Pat'jaune grimés en elfes facétieux, j'ai failli me réjouir. Pleins d'autodérision et avec l'énergie qu'on leur connait, ils auraient pu insuffler dans cette saga pour marmailles un second degrés salvateur. Mais les effets comiques sont systématiquement court-circuités par le sérieux presque tragique de Farreyrol dans sa robe de fée, qui vocalise faux du message écolo, perchée sur son piton de carton pâte. Le spectacle révèle l'incompatibilité de deux univers artistiques, qui jamais, ne trouvent un point d'harmonie.
3. La musique
Sans doute ma plus grosse déception quand on connait le potentiel des Pat'jaune. La portion musicale est réduite à une peau de chagrin, pour faire place à la narration. Compte tenu de la pauvreté des dialogues, on s'explique difficilement ce choix, et l'on aurait largement préféré que les instruments prennent le pas sur les boniments. Concrètement, le concert se limite à quelques percussions aux rythmes attendus. Pour les effets de surprise, c'est fichu.
4. Scéno versus message écolo
Côté décor, on est plutôt dans le registre karaoké d'hôtel mauricien que dans celui de l'immersion au coeur de La Réunion longtemps. Pourquoi pas. Si ce n'est que pour le coup, puisqu'il s'agissait d'un spectacle écolo, accorder le fond et la forme n'aurait pas été de trop. Quand on pense au nombre d'artistes réunionnais capables de fabriquer des scénos uniquement à partir d'objets naturels, on se dit qu'avoir choisi pour matière principale des décors et costumes la mousse polyuréthane et ses dérivés est un paradoxe qu'on comprend difficilement, en terme de cohérence du message.
Bref, on aurait pu rire de ce spectacle pour cornichons si l'autodérision avait enfin fait irruption. Quelle déception.
Zerbinette