BCUC, SO NOW YOU SEE

Que les choses soient claires, les chanceux spectateurs du K massés devant “Bissiyoussi” ont assisté au meilleur concert de l'année, en attendant peut-être celui de The Liminanas, en juin, au Kabardock.

Il suffit d'aller sur Facebook et lire le commentaire de Nkosi Zithulele, le charismatique maitre de cérémonie de BCUC, pour comprendre que, samedi soir, il s'est passé quelque chose d'unique : This will go down in history as one of the defining shows of our evolution.

Pourtant, les conditions climatiques étaient pourries, les organisateurs archi tendus, une première partie décalée, bref tout présageait le concert électrique, comme quand j'avais vu cette clique pour la première fois au Smoking Dragon Festival. La formule est pléonastique mais Lékip Séchoir n'aime pas la pluie et il aurait été dramatique d'assister à la performance de BCUC dans la minuscule salle du Séchoir. Bravo pour ce choix risqué mais gagnant.

D'ailleurs, à quand une vraie salle de spectacle couverte à Saint Leu ?

Heureusement, l'anticyclone de Soweto a freiné Dumazile et les seules gouttes de pluie visibles furent celles que la bâche de fortune laissait filtrer pendant tout le concert. Le K invente un nouveau concept : arroser les artistes sur scène pendant que le public reste au sec. En tout cas, c'était du plus bel effet et cela n'a gêné en rien nos maîtres de la transe, capables de jouer et passer la serpillière en même temps.

Au pays du maloya qui s'y connaît grave en matière de transe, pourquoi ce groupe va-t-il encore plus loin et déchaine-t-il les foules ? Tout d'abord, il y a l'apport majeur de la basse électrique qui va contrôler votre fréquence cardiaque sans jamais la lâcher. Ensuite, les percussions tribales variées – grosses caisses, tambours, congas – viennent titiller vos gambettes. Puis, s'immiscent les sifflets traditionnels qui apportent tantôt de la légèreté tantôt une frénésie proche de la batucada. Au milieu de toute cette testostérone, la voix de la choriste Kgomotso transporte l'extase vers des horizons soul et R&B incandescents.

Les références à Gil Scott-Heron « The Revolution Will Not Be Televised » et à KRS « Woop Woop That's The Sound Of Da Police » étaient juste magiques. Enfin, dernier élément mais non des moindres, on ne peut être que subjugué par le charisme et la rage du leader Nkosi Zithulele, sorte de Jamie Foxx à barbiche, dont l'hystérie communicative ferait presque passer Olivier Araste de Lindigo pour un enfant de chœur.

J'ai retrouvé dans ce concert de BCUC une vraie urgence, une réelle musique fusionnelle – je déteste pourtant l'adjectif « fusion » qu'on colle à toutes les sauces dans le milieu musical – faisant le lien entre les rythmes traditionnels sud-africains et la complexité des musiques actuelles : le rockeur se retrouve dans l'énergie punk-rock du show et la puissance de la voix éraillée du chanteur, le fan de world music sera conquis par le groove vindicatif proche d'un Fela Kuti et le rappeur est forcément captivé par ce flow multi-voix.

Je ne regrette vraiment pas d'avoir fait faux-bond aux copains rockeurs pour leur super soirée à Saint-Paul en choisissant cet ouragan sonore estampillé : Music for the people by the people with the people.