SHAKESPEARE LAKOUR — Bongou

SHAKESPEARE LAKOUR

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Grosse surprise hier lors de la première de Maskarad  au Théâtre sous les Arbres. Il y a trois ans, le projet s'annonçait comme une succession de sketchs masqués. Ça fleurait la satire réunionnaise, et la cuisine politique sur les braises.  Foutor et pitreries. Maskarad est une tragédie. Un Macbeth sauce péi. Et on y a cruellement ri.

Macbeth, bon sujet du roi d'Ecosse, rencontre trois sorcières qui lui annoncent sa future ascension sociale. La prophétie se réalise grâce à sa machiavélique épouse, qui le pousse à assassiner le roi pour prendre sa place. Voilà pour le pitch chez les British.

Ici, Lady Macbeth règne sur une exploitation de volailles lakour. Son époux est un cafre nigaud ayant pour roi un blanc des hauts. Assoiffée d'ascension sociale, cette parvenue au verbe dru couche avec le père et le fils dans un saint mépris. Mais non sans esprit. Poussant son mari syndicaliste à évincer son mentor politique, elle organise un repas entre les deux concurrents, et empoisonne le barbon à la barbe de son rejeton, toujours aussi couillon. On glousse comme des dindons.

Le yab renonce au pouvoir et à sa dignité, emporté par une terrible diarrhée. Le tout sur fond de logorrhée télévisée. La rombière porte son nigaud jusqu'aux tréteaux électoraux. Gloire, traitrises et rideau.

Maskarad est une réussite à bien des niveaux. Transposer Shakespeare en farce péi est une géniale acrobatie. La soif de pouvoir, aussi atemporelle qu'universelle est une source jamais tarie. Avec une acuité féroce, les auteurs Barbara Robert et Sully Andoche dépeignent dans un créole truculent l'imposture politique contemporaine. Entre les élus menteurs, les journalistes voyeurs et le peuple adorateur d'amadoueurs, leurs caricatures sont à peine forcées.

Coup de chapeau aux acteurs qui se renouvellent avec brio.  Valérie Cros, général tyrannique dans Victoire Magloire n'a rien perdu de sa superbe dans la peau d'une morue imberbe. Idem pour Didier Ibao, qui jongle brillamment entre le fourbe et l'idiot.

Impitoyable comédie de moeurs où les égos se pavanent sur leurs faux idéaux, la pièce est une peinture jouissive de la vie politique de l'île vue par les réunionnais. Mais à la différence d'un  Monsieur Dijoux, interprété par Givran au Théâtre sous les arbres il y a quelques temps, égratignant les années Debré ; on ose enfin ici se pencher sur son propre cari. Et c'est tout à l'honneur des artistes d'ici.

C'est dit.

Zerbinette

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