Vendredi soir, à la salle Georges Brassens des Avirons, c'était la première des Contes à la Perrault, la toute dernière création du Théâtre des Alberts. On lève nos verres ou c'est Manzi qui trinque sévère?
Je ne suis ni un proche du Théâtre des Alberts ni un adversaire – j'ai passé de très bons moments devant Tigouya, Planète et lors de plusieurs éditions du festival TAM-TAM – mais je fus à peine enivré par ces Contes à La Perrault.
Le titre, sous forme de jeux de mots, est plutôt bien senti mais on n'a pas le droit de commencer son spectacle en expliquant son calembour : c'est aussi gênant que le mec qui essaie de te convaincre que sa vanne est drôle.
Je suis un adorateur du théâtre d'objets et je partage a priori les mêmes goûts que Sébastien Deroi, l'acteur principal qui donne la réplique à Marjorie Currenti (en vrac : Bob Théâtre, Cie À, Scopitone et Cie, Tof Théâtre, Collectif Aïe Aïe Aïe, Cie Sacékripa) mais je n'ai pas suffisamment retrouvé l'esprit touchant, délirant ou dérangeant de ces références. Autre hypothèse : j'ai vu tellement de propositions génialement louches que je fais ma fine bouche.
J'aime l'intimité suscitée par le théâtre d'objets, celle-ci impliquant des jauges réduites et une attention de tous les instants. Or, nous étions plus de 200 vendredi soir et la scène surélevée convenait moyennement à l'esprit minimaliste de cette forme.
Dans le théâtre d'objets, le relatif effacement des manipulateurs met en avant les « marionnettes » par un jeu sobre et précis. Ici, les acteurs volent trop souvent la vedette aux ustensiles et le conte classique déclamé étouffe la narration toute en manipulation. C'est un peu bourratif comme la dernière tranche de ce pain surprise traînant sur le coin du zinc.
Les deux premiers contes (Le Petit Poucet et ses frères incarnés par des verres à shot, les Trois Petits Cochons représentés par des saucissons plus ou moins aisés à découper) sont de savoureux amuse-bouches qui filent la métaphore de l'apéro avec ces multiples matériaux. Le hic c'est que les cinq suivants (Barbe Bleue, Cendrillon, Blanche Neige, Le Petit Chaperon Rouge et Peau d'Âne) abandonnent le concept en utilisant des Barbie, des Ken, des chaussures... qui n'ont plus rien à voir avec ce rituel de bar, exceptée cette bouteille d'Armagnac empoisonné offerte à Banche Neige. Je suis persuadé que cette « contrainte » de l'apéritif pouvait occasionner des bidouillages plus corrosifs et inventifs. En revanche, la course-poursuite du loup et du chaperon occasionne un joli moment de slow motion, aussi réussi que l'épisode de la pantoufle en glaçon de Cendrillon joué dans la précipitation.
Enfin, j'ai lu que ce spectacle permet différents niveaux de “lecture” et qu'il ravira les petits comme les grands. Honnêtement, autour de moi certains majeurs riaient de bon cœur – pas mal de séniors qui ont gardé l'âme d'enfant que j'ai laissée en haut de mon mirador – mais la cible reste les mouflets comme l'évoque ce vieux tableau noir d'école faisant office de fond de scène évolutif.
L'ensemble est justement trop scolaire pour que je saute en l'air mais je ne veux pas être trop sévère pour une première : mon enfant de 11 ans a passé un bon moment et ce spectacle reste très distrayant pour des 5-15 ans.
Manzi