LUX EX MACHINA

Mais quels dieux ont bien pu convoquer la peinture, la photographie, et la musique électronique dans la cathédrale industrielle de Stella Matutina ? Si tu veux saupoudrer ton chaos d’éclats solaires, du 12 septembre au 2 octobre, Bongou a l’expo qu’il te faut. « Stellarium », né du trio Julie Hauer, Marie Lanfroy et Vincent Corvec risque bien de réenchanter ton univers.

Une bulle d’oxygène au milieu du chaos 

Quand on demande à Marie Lanfroy, chanteuse du groupe Saodaj (Maloya Nomade),  qui expose pas moins de 20 photographies à Stella, quelle est cette nouvelle corde à son arc, elle rit : « Ah mais j’ai aussi fait 5 ans de Beaux Arts au Port. C’est là que j’ai appris la photographie. C’est un vecteur de poésie qui m’aide à réenchanter le monde. C’est aussi ce qui m’aide à ne pas devenir folle, à échapper à la lourdeur actuelle. Et c’est complémentaire avec le chant. Ces deux arts demandent de maîtriser la composition et l’improvisation. Ils nécessitent aussi de définir un cadre, celui qu’on va offrir à regarder. ».

Pour la peintre Julie Hauer, la rencontre avec Marie Lanfroy tenait de l’évidence : « Olivier Poudou, qui dirige la galerie Opus Art nous a présentées et ça a été un coup de cœur global. J’avais déjà vu Marie sur scène et elle m’a fascinée. Elle dégage une grande sensualité, une puissance tellurique. Quand on s’est rencontrées pour préparer l’expo, on a remarqué des connections fulgurantes entre nos œuvres. S’est mis en place tout un jeu de correspondances entre mes toiles et ses photos. C’est amusant parce que je finissais Nadja de Breton. Notre rencontre a le même caractère surréaliste et profond. »

Un tandem qui s’aime, comme le confirme Marie Lanfroy : « J’ai l’impression que Julie est venue à la peinture comme je suis venue à la musique. C’était ça ou plus rien. On crée toutes les deux une bulle d’oxygène au milieu du chaos. On est dans une anarchie du sens et du non sens. Notre pratique de la peinture, ou de la photo, tient d’abord de  l’instinct de survie, c’est plus qu’une démarche artistique, c’est une fonction créatrice qui donne du sens. C’est également l’occasion d’exprimer sa curiosité, de ressusciter l’œil de l’enfant. »

Un pied de nez stellaire

Pas facile pour autant de créer pour le musée de Stella, un lieu emprunt de pesanteur, comme le souligne le compositeur de musiques électroniques néoclassiques Vincent Corvec, chargé de l’habillage sonore de Stellarium : « En composant, j’ai voulu suivre leur démarche en allégeant le propos. La logique aurait voulu que, dans ce lieu chargé d’histoire, dont la présence du métal et de la pierre accentuent la pesanteur, on produise de la musique industrielle, répétitive. J’ai choisi l’inverse. Je voulais proposer quelque chose de lyrique, qui élève. J’ai donc retiré toutes les fréquences graves parce que la structure du lieu les réverbère déjà. J’ai gardé toutes les aiguës, et les medium, parce qu’elles sont plus diffuses. Il y aura juste une mélopée en survol. »

Pour Julie Hauer, il était important cependant de préserver le contraste  : « Avec Marie, lorsqu’on est allées voir le musée, très fort en énergie, on a ressenti ce côté cathédrale, lieu de mémoire et de recueillement. Les machines sont lourdes, autoritaires, puissantes, tout comme les panneaux. L’atmosphère est sombre. On a voulu prendre un contre-pied, apporter une évanescence, offrir cette dualité au spectateur. D’où le contraste entre certaines œuvres mortifères, et d’autres très joyeuses ».

Mais si le thème de la mort traverse leurs œuvres, il est un chemin plus qu’une fin, comme le fait remarquer sa complice : « On sait qu’on a une épée de Damoclès au dessus de la tête. L’humanité est en alerte rouge, d’après le dernier rapport de l’ONU. On marche sur un fil en permanence. Alors oui, l’art, c’est ce qui nous sauve. »

Techniques, tactiques et thématiques 

Si l’exposition oscille entre ombre et  lumière, elle propose aussi un regard très contemporain : « J’expose de la photo numérique qui retrace mon regard sur ces trois dernières années. L’avant, quand on pouvait encore voyager,  puis l’après dans un rayon de 1 km autour de chez moi. »

Julie Hauer, qui a vécu une partie de son confinement en Italie, a elle aussi travaillé cette dichotomie : « Ma conscience aiguë de la mort ; qui ne m’empêche pas d’éprouver une joie immense à vivre ; me force à l’art, au mouvement pur, par lequel j’échappe à l’angoisse existentielle. Depuis que je suis petite, mes terreurs sont mes moteurs. Pour les exorciser, j’utilise des techniques mixtes. Par exemple je peux mélanger des encres, des solvants, du brou de noix, des pigments naturels, de l’huile. Il est difficile de maîtriser la viscosité de l’acrylique et la fluidité de l’encre, on provoque des réactions chimiques au rendu très chaotique. Cette perte de contrôle, qui rejoint le cycle de vie et de mort m’oblige au dépassement. Je ne peux qu’aller au delà de ce que j’avais pu imaginer. Et ça c’est vivant. A contrario, j’expose aussi des toiles vaporeuses sur des cieux, un travail plus technique au pinceau, plus dirigé, plus apaisé. Ces 2 pratiques complémentaires me permettent d’explorer ma schizophrénie, mon harmonie. »

Harmonie qui sera sublimée par le quatuor à cordes de Corvec, qui s’est également inspiré d’un voyage en Inde pour envelopper les œuvres d’un cocon de poésie et de mystère. Si tu veux t’en délecter, c’est entre le 12 septembre et le 2 octobre, avec un vernissage le vendredi 10 (de 18h à 20h (en compagnie live de Corvec) dont les horaires seront confirmées après annonces du préfet. Et si la morosité t’a ankylosé, Marie Lanfroy dégaine Rostand pour toi : « C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ». Tous à bord de la croisière stellaire !

Zerbinette, avec la sympathique participation de Marie Lanfroy, Julie Hauer, et Vincent Corvec

Crédits photo : Le paon atypique, Marie Lanfroy, Bruno Cirou@LUXUMANA

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