Dimanche 15 mars 2020, 21 heures, aux abords des mairies réunionnaises : les heureux vainqueurs du premier tour des municipales célèbrent la victoire. Tout le monde a en tête ces images largement diffusées d’indécentes agapes où, deux jours avant le début officiel du confinement, candidats et militants échangent accolades et fluides dans un mépris consenti de la menace virale.
Dimanche 16 août, alors que les structures culturelles de l’île, fragilisées d’une part par la réduction des budgets, d’autre part par cette mise à l’arrêt forcée, travaillent d’arrache pieds pour proposer leur nouvelle saison, dans le respect des règles sanitaires, les sanctions tombent. On a rouvert les vols, mais on ferme les salles. On peut s’engouffrer dans les supermarchés, les bars, les restaurants, mais pas dans les théâtres. Au pays des tartufferies, nos élus cèdent à la psychose : les fanfarons ont laissé place aux poltrons.
Consciente des risques liés à la contraction du coronavirus, je m’interroge pourtant. Monter au volant d’une voiture, c’est accepter le risque d’avoir un accident. Entamer une relation humaine, c’est accepter le risque de la voir s’achever. Mettre des enfants au monde, c’est accepter le risque de les perdre. Et philosopher, c’est apprendre à mourir écrivait Montaigne.
Pourtant, au regard des dernières décisions politiques, il semble que se dessine un dangereux fantasme. La multiplication des mesures sanitaires restrictives, aussi arbitraires et contradictoires fussent-elles, conduiraient à l’extinction de la menace. Nous mourrons, mais pas du corona, semblent promettre les arrêtés. Soit.
En attendant, ce sont les libertés individuelles et collectives qui agonisent, au nom d’une utopie aseptisée.
En attendant, c’est le secteur culturel qu’on asphyxie.
En attendant, ce sont les théâtres qu’on jette les uns contre les autres, les acculant à trancher entre les interdictions municipales et les autorisations départementales. Diviser pour mieux régner écrivait Machiavel.
Alors oui, faute de mieux, sortons masqués, hydroalcoolisés, et respectons ces distances de sécurité. Mais surtout, revenons à un peu d’humilité, en acceptant l’idée qu’aucun gouvernement ne nous fera don de l’immortalité.
Protéger, informer, responsabiliser, oui. Infantiliser, jamais. La communauté artistique réunionnaise, malgré sa propre précarité, a trimé pour assurer notre sécurité sanitaire. Prenons le risque de lui faire confiance.
Courage, sortons.
Zerbinette