CLÔTURE DU FESTIVAL DU COURT-MÉTRAGE

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Mardi 19 mars, la salle du Fanal de la Cité des Arts est pleine à craquer, le petit monde du cinéma émergent de la Réunion se réunit sous les bannières d'Air France, petits films et petits fours sont au programme, mais pas que : remise de prix et promotion du dispositif Cinékour qui vise à faire émerger des talents pays, les Talents la Kour. Il s'agit bien de promouvoir, de pousser en avant, d'élever à un grade supérieur, ce qui, ma foi, est en germe dans la Kour, coûte que coûte et à grand renfort d'accolades, quitte à faire pousser de petits navets et de gros piments.

En première partie de soirée, afin donc de clôturer la fête du court-métrage, trois films sont proposés pour trois prix : le prix du public, le prix des lycéens, le prix des Talents la Kour 2019. Autant dire que le choix est aussi large que les récompenses. Peu importe, comme à l'École des fans, tout le monde a gagné ce soir-là. Et avant tout les producteurs qui investissent dans le court-métrage réunionnais, car les films primés (deux sur trois) appartiennent tous un peu « à la même famille », comme le fera remarquer Elsa Dahmani, la maîtresse de cérémonie et initiatrice de Cinékour, Talents la Kour, et de la fête du court-métrage. Ainsi, il y avait peu de chances que les partenaires et financeurs repartent bredouilles. Charité bien ordonnée, comme dit l'autre...

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Les courts-métrages quant à eux relèvent tous de la thématique des quartiers populaires, que ce soit par le prisme de l'éducation (« Master of the classe » de Carine May et Hakim Zouani, prix des Talents la Kour 2019), de l'exil (« Derrière le nuage » de Baer Xiao) ou des amours adolescentes (« Bye bye les puceaux » de Pierre Boulanger, prix du public et des lycéens). Si « Master of the classe » reçoit les suffrages, c'est sûrement qu'on a oublié combien le court-métrage peut subvertir le cinéma, combien, contrairement au cinéma d'audience, il est souvent le mauvais garçon mal élevé, corrosif et contestataire. Le film choisit au contraire un regard complaisant sur le métier d'enseignant dans les classes de primo arrivants. Il ne quitte pas le point de vue du stagiaire peu scrupuleux et dépassé, pour en faire un anti-héros sympathique. Seulement, ce sont les enfants qui en font les frais : réduits à leurs borborygmes de non francophones, instrumentalisés pour servir de faire-valoir comiques, ils ne sont jamais que les victimes collatérales du court-métrage qui s'associe bien en cela au système.

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« Bye bye les puceaux » est quant à lui un film attachant qui arrive à trouver le ton et le rythme justes pour représenter les difficultés des adolescents à vivre leurs désirs sous la contrainte de leurs pairs et des stéréotypes, à l'heure de l'ultra connexion. Quant à « Derrière le nuage », ambitieux formellement, le film prend le parti de traiter de la solitude de l'exilé à travers son attachement aux écrans, seul lien tangible avec les autres. C'est sûrement le court-métrage le plus atypique puisqu'il fait le pari de bousculer le spectateur en construisant sa narration à partir d'une série d'images intimes filmées au Smartphone ou à la webcam.

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Mais le clou de la soirée reste à venir : les deux courts-métrages pays, accompagnés par Cinékour de l'écriture à la recherche de producteurs et de distributeurs, sont annoncés à grand renfort de roulements de tambour dans la presse et sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines. Certains ont déjà eu la chance d'admirer « Blaké », de Vincent Fontano et le public du Fanal va pouvoir découvrir « La Petite sirène » de Manon Amacouty.

Que dire ? L'un est anémique quand l'autre est emphatique. Pour différents qu'ils soient, les deux relèvent de la même ambition à émouvoir sans jamais y parvenir, tant les impératifs techniques que ce soit dans la construction de la parole ou de l'image entravent le récit et les personnages.

« La Petite sirène », malgré des qualités esthétiques évidentes, est un film sans substance. Les couleurs et les cadres y sont parfaitement maîtrisés, un feu de camp ou un groupe de jeunes sous une tente de nuit sont filmés avec soin, mais le récit peine à proposer du contenu et la direction d'acteurs y est famélique. Si les jeunes gens semblent avoir été choisis en référence aux icônes du teen movie “La Fureur de vivre”, auquel le film fait de nombreux clins d'œil, la fausseté de leur jeu et des situations tourne par moments à la parodie. Le scénario de science-fiction s'appuie sur l'idée d'un monde pas du tout différent du nôtre, à cela près qu'on peut y faire revivre les êtres disparus. Un groupe de trois jeunes gens va donc ressusciter pour trois jours une amie chère. Si le point de départ est sympa, on se demande vite quelles sont les intentions du film. Les jeunes vont passer leur temps dans une voiture, à écumer les paysages cartes postales de la Réunion (très bien filmés), hébétés, à côté de leur copine morte qui pleure ou qui rigole, sans qu'aucun relief ne soit donné à l'idée du deuil ou de la perte. Une fois la copine endormie, certainement aussi fatiguée que nous de tous ces voyages en voiture, les jeunes gens discutent à son chevet d'un prochain pèlerinage et c'est fini. Laissons dormir les morts, si c'est pour leur faire revivre trois jours de colo aussi vides qu'ennuyeux.

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« Blaké », de Vincent Fontano, ne pèche pas lui par manque de contenu, mais plutôt par excès. On connaît la verve du dramaturge qui se déploie en vastes monologues sur la scène de théâtre, on ne sera nullement surpris de le voir détourner les codes cinématographiques en longs face caméra dans lesquels il déverse la violence de ses noirs fantasmes dans la nuit du fénoir. Rien n'existe hormis Vincent Fontano, il envahit l'écran de sa présence, pas un plan qui ne l'expose, en plein ou en creux. Quand il ne s'adresse pas directement à la caméra, la voix off prend le relais, infatigable narratrice qui crache au monde ses quatre vérités. Puis quand il se tait, son double renchérit pour lui donner la réplique, mais la voix en écho de son partenaire (l'acteur David Erudel) participe du même long monologue d'amertume et de désespoir. Tous les personnages parlent sa langue, ne sont qu'une émanation de lui-même. Lolita Tergémina, pourtant si magnétique, ne prend jamais corps, même si elle le montre son corps : elle reste l'image glacée sur laquelle se posent les yeux du démiurge.

L'univers de Fontano est le même, de la scène à l'écran, les dispositifs, interchangeables. L'écriture cinématographique, si singulière dans son rapport à l'espace est réduite à un traitement frontal, plat. L'absence totale de distance dans la mise en scène de soi, l'incapacité à se détacher de soi, rend impossible toute construction fictionnelle : c'est Vincent Fontano que l'on voit déambuler dans ce parking qui ne devient jamais un espace imaginaire, c'est encore lui que l'on entend dans ses personnages qui n'ont pas d'existence propre, c'est son discours, intarissable qui nous assigne à coup de formules choc dans sa langue pimentée. Mais les images, elles, malgré leur beauté plastique, restent muettes. « Blaké », malgré son trop fort attachement à la théâtralité, et à la création d'une mythologie personnelle est quand même, il faut le dire, un film audacieux. Mais s'il heurte, il peine encore à toucher. À lire l'avis complémentaire de Blaké par Zerbinette.

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