TO DA BONE = L’AVOIR DANS L’OS

Peut-être n’étais-je pas encore retombé de mon petit nuage Bourgeois et donc peu réceptif à cette proposition prétendue prolétaire mais il est clair que ce deuxième week-end de Total Danse fut beaucoup moins intense et même proche de la désespérance.

Je ne reviendrai pas sur Smashed, spectacle familial efficace dont le final tourmenté dissipe magistralement des tableaux aussi bien interprétés que trop répétés. En revanche, j’ai besoin de mettre mes pieds dans le plat pour exprimer mon ressenti désemparé face à cette démonstration de Jumpstyle faussement désordonnée et surtout pas révoltée. Le moteur de création du collectif (LA) HORDE - un ancien danseur et deux plasticiens – est de mettre en lumière les mouvements de danse en marge de la culture majoritaire. Cette démarche est tout à fait salutaire sauf quand on décide de mettre en l’air plusieurs performeurs à la base solitaires ne représentant qu’un groupuscule franchement pas vénère, aux codes vestimentaires et musicaux primaires.

Le jumpstyle, c’est quoi ?

Bah c’est des petits blancs, de l’Europe de l’Est surtout, qui s’occupent en tapant du pied comme s’ils écrasaient  des cafards imaginaires ou se débarrassaient d’un chewing-gum virtuel collé sous leurs godillots fluos. On aurait pu espérer que cette communauté passe du statut d’espèce en danger à définitivement éradiquée – cf. la Tecktonik et bientôt la Floss Dance – mais la Fée Internet les a malheureusement rapprochés. Côté look, les 11 interprètes font penser à l’équipe de curling de Pologne de 1987 avec leurs vestes de survêtement Desigualisées© et leurs coupes de veuch’ de gymnastes slovaques bien soignées. L’enfer est proche quand on réalise que cette jeunesse prétendue révoltée ne soliloque sa bourrée que sur les BPM d’une techno hardcore lobotomisée, qu’on s’inflige non pas lors de free party mais plus dans les boîtes de nuit au fin fond de la Moldavie ou sur un tapis de course de salle fitness sous ecstasy. Sur l’échelle de la sédition, le curseur est plus proche du Gangnam Style que du Gangsta Rap.

#politique#punk = qualificatifs mensongers

Vous comprendrez que mes yeux et mes oreilles ont saigné et qu’il m’a été difficile d’apprécier le spectacle proposé.  Pourtant, le premier tableau – pas encore parasité par cette affreuse bande-son aux frontières de l’EDM – était aussi fascinant qu’athlétiquement exaltant. Il y avait une vraie poésie militaire dans cet effet hypnotique de 22 petons qui pilonnent le plancher de façon saccadée. Quand le rythme ralentit, la chorégraphie en pâtit et les mouvements sont tout de suite moins élégants et captivants. Pire, ces jeunes d’Erasmus vont se mettre à parler pour tenter d’expliquer leur passion « emplie de radicalité » et nous faire vivre les débats autocentrés de leurs résidences euro-subventionnées : c’est beaucoup trop didactique et on comprend rien vu que c’est pas sur-titré. L’utilisation de la vidéo apporte deux instants plutôt distrayants avec un mannequin challenge (assez malin mais plus trop dans l’air du temps) et ce drap déformant leurs visages tel un filtre Snapchat géant. Ce moment demeure très bon-enfant et ennuyant mais ça nous change des fumigènes ultra redondants.

Je ne vais pas faire de vieux os avec cette diatribe complètement assumée et teintée de mauvaise foi mais ça faisait plus d’un an que je ne m’étais pas lâché en mal sur un spectacle des Théâtres Départementaux. La faute à une programmation de qualité mais qui n’exclut pas des ratés. En toute subjectivité. Pis, ça comblera les frustrés qui tiennent une comptabilité. Bongou ne veut pas faire de jaloux.

Manzi