Contemporary Dance 2.0, c’est Le spectacle de la rentrée culturelle que tout le monde voulait voir à La Réunion. Pas seulement parce que le chorégraphe et danseur Hofesh Shechter cumule les exploits médiatiques, comme celui d’afficher trois chorégraphies au répertoire du ballet de l’Opéra de Paris, ou encore celui d’avoir brillé dans le dernier Klapisch. Shechter qui veut « changer des vies », fait aussi danser les âmes. Pour Bongou, Ali lui déclare sa flamme.
Vous vous vous souvenez de Rabbi Jacob, la séquence dansée par Louis de Funès et ses complices rue des Rosiers, après le passage dans le chewing-gum vert ? Ça c’est la version 1.0 de la danse endiablée « hassidique », née au XVIIIème siècle dans les communautés mystiques juives d’Europe, un mouvement religieux un peu similaire à celui des soufis de l’Islam, dont on repère facilement la gestuelle, le rythme allumé et la vocation de faire danser les âmes.
Faites avaler maintenant à une dizaine de danseurs inspirés du film toute la cuve de chewing-gum vert, et là vous avez la version 2.0 de Contemporary Dance, la pièce du chorégraphe israélien Hofesh Shechter passée à Champ Fleuri. Hallucinant, excellent, parfait. C'est vraiment une très belle pièce. Tout est dans la fluidité. L’emprunt à la culture chorégraphique juive hassidique est puissant mais reste discret car la danse de Hofesh puise dans de nombreuses sources culturelles et personnelles sollicitées par le chorégraphe en les intégrant de façon organique.
Hip-hop, modern-jazz, contemporain, africain, danse de société, danse hassidique se fondent dans un tout harmonieux qui coule, se déploie, se recompose pour repartir dans des explosions maitrisées de mouvements, lumières et sonorités. Ce maillage est proposé avec une très grande intelligence dans la mise en scène des ensembles en mouvement.
À la différence de son compatriote et aîné d’une génération Ohad Naharin avec qui il partage une culture ancestrale et également chorégraphique commune (tous deux passés par la Batsheva Dance Cie à Tel Aviv), l'énergie n'est pas enfermée dans un système rhétorique (le « Gaga système » de Naharin), elle coule en permanence. C’est l’esprit de finesse de Pascal contre l’esprit géométrique. Hofesh (qui signifie « liberté » en hébreu) reste libre de tout; la pièce étant également ponctuée d’arrêts apaisants et d’humour pour repartir de plus belle. À revoir.