Sûrement pour prouver qu’elle avait un peu bossé sur le programme du Tempo cette année, Lékip Séchoir a eu l’idée de mettre en ligne le prospectus de cette édition annulée. Quitte à remuer le couteau dans la plaie de l’absurdité, Bongou te propose sa non-chronique de ce festival, au pays des merveilles. Ce marronnier du plumitif cultureux n’a rien de très fantaisiste puisqu’il s’agit de faire comme d’habitude, à savoir parler de spectacles sans les avoir vus.
Tout d’abord, je me serais évidemment moqué de l’affiche qui tire sur la nouille de l’accouplement d’un fruit avec un animal. Après Némonanas en 2018, Pitayours en 2019, j’aurais demandé au graphiste d’aller déconfiner sa créativité en vendant son stock d’affiches de Girabanane, tout nu sur la plage, sans jamais stationner et en gardant une distanciation sociale de deux crabitrons. Vivement 2021 et son mangolin tousseur…
Concernant la programmation, évidemment j’aurais fait le malin en disant que j’avais déjà vu ces compagnies dans l’Hexagone l’été dernier et que forcément leurs prestations étaient plus abouties car le public de Chalon Dans la Rue est fin connaisseur, contrairement à ce parterre saint-leusien planté de bulbes atrophiés et de gosses indisciplinés.
Ma collègue Zerbinette se serait chargée de promouvoir le spectacle « La mastication des Morts » de la compagnie L’alpaca Rose – putain encore une bestiole débile – car il faut bien que Bongou soit un peu apprécié des compagnies locales. Je m’en serais bien chargé mais une malédiction m’empêche de voir les spectacles d’Alexis Campos. Ses relances incessantes pour que je donne mon avis sur la mise en rue de ses mises en bière n’ont jamais trouvé satisfaction ; la faute à des représentations dans des lieux non répertoriés par mon Waze sudiste, d’un moteur de scooter serré sur le trajet, de la concurrence de concerts rock en os et surtout en chair et d’un virus aussi couronné que burné.
Pour ne pas chroniquer les spectacles dispensables, j’aurais mis en avant la qualité sans faille de l’accompagnement musical de la plupart des propositions de cette édition et l’acoustique irréprochable des scènes. De la sorte, les techniciens ou autres gens de l’ombre auraient l’impression que j’ai bon fond et je me serais surtout épargné la corvée de vanter les concerts de reggae groove maloya dub métissés.
Comme dans un mauvais mash up de Lost In Translation et Un jour sans fin, j’aurais traîné mon flegme bambocheur sur le dancefloor du K et n’aurais pu m’empêcher de titiller notre binôme d’ambianceurs sauvages sans oublier de cracher sur le mauvais rosé et de tancer la pilosité de certaines marmottes guincheuses survoltées.
Concernant Attraction Capillaire, le cirque suspendu de la compagnie Galapiat, les jeux de mots capillotractés auraient fusé. Ah ça, on aurait bien rigolé ! Et les commentaires de calembouristes éclairés auraient donné une vraie visibilité à ce papier.
Toujours le premier pour me moquer du Sakifo et de son exaspérante capacité à programmer les mêmes chansonniers, j’aurais usé de ma mauvaise foi légendaire pour glorifier le spectacle Fée et assumer mon bonheur de revoir Fred Tousch pour la cinquième fois dans ce festival.
De même, j’aurais vilipendé cette prof de maths, se réclamant spectatrice éclairée alors que dépourvue de second degré, pour avoir osé critiquer Le Génialissime Cabaret Philosophique.
Je me serais même embarqué dans un plaidoyer enflammé sur les chansons faussement ratées de Perceval pour faire chier cette auditrice kiné, plus encline à mater ses amis slackliners répéter leurs arabesques qu’à se frotter au prodige burlesque.
Exceptionnellement, cette année, je n’aurais pas égratigné mes victimes préférées que sont les stands de malbouffe, les bénévoles moutonniers, leur équipementier, le programmateur un peu trop zélé, les abdos sculptés des circassiens trop exhibés, la verve de la directrice une fois avinée, la chargée de communication toujours enjouée, cette journaliste culturelle locale peu inspirée, ce jongleur de bolas zamalé, les afters désincarnés,…
Et surtout, ce dimanche, je me serais baladé sur le front de mer en toute liberté, des souvenirs plein la caboche, des jetons non utilisés dans la poche et ce « jour d’après » n’aurait pas été si moche. Après tout, on s’en fout car, demain, ce sera le déconfinement. Mais pour ceux qui se nourrissent de culture, c’est la déconfiture. J’ai pu lire, çà et là, qu’en temps de crise, la culture est secondaire et qu’on ferait mieux de se taire. Allez faire un tour à Saint Leu et demandez aux commerçants, aux hôteliers, aux restaurateurs, aux tenanciers de stands pour la Fèt Dann Somin, aux associations, aux techniciens, aux enfants et aux parents si ce rassemblement n’est pas vital à l’esprit et à l’économie. Pour rappel, cette vérité qu’il est toujours bon d’asséner : La culture contribue 7 fois plus au PIB français que l’industrie automobile avec 57,8 milliards d’euros de valeur ajoutée par an et le secteur fait vivre 1,3 millions de personnes.
Vous l’aurez compris, même au conditionnel absent, je resterai le premier défenseur de ce rassemblement
Manzi