LACAILLE ET SA BLEUSAILLE

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Deuxième concert de l'année au K et  encore une prestation bazooka.

Après la déflagration BCUC en mars – je vous laisse ici leur prestation de ce lundi sur Nova – voilà que René Lacaille et ses potes nous sortent un concert d'anthologie. J'entends déjà les détracteurs de la culture, déversant leurs complaintes ronchonnes du haut de leur Massey Fergusson, pour me signifier que « je roule » pour le K alors que plus personne n'utilise cette expression depuis 1992 et que tout le monde sait que j'ai surtout des potes qui roulent pour moi au K. Quand c'est nul je suis là pour le dire, quand c'est moyen je laisse Zerbi se démerder et quand c'est bon, je zappe volontiers ma séance de lancers de menhir pour aligner quelques dires.

Je n'avais jamais vu sur scène le Maître Lacaille et je ne regrette pas d'avoir attendu si longtemps puisque certains puristes m'ont confirmé qu'ils classaient ce concert dans leur top 3 des meilleurs live du patron de la musique réunionnaise. Je tiens à féliciter l'initiative pas forcément populaire de fermer le bar pendant le concert : le volume sonore a ainsi pu être baissé juste ce qu'il fallait pour proposer une sorte de concert à l'emporté, dans une ambiance aussi raffinée que la musique de nos invités.

Tout d'abord, ce qui saute aux yeux et accroche les oreilles, c'est l'humilité de ce grand monsieur : René Lacaille est toujours disponible pour mettre en valeur ses partenaires de scène; le genre d'homme qui n'a pas besoin d'en faire des tonnes pour te dire qu'il est profondément touché par la mort de son pote Higelin qu'il a maintes fois accompagné sur scène et à qui il dédie forcément le concert. C'est surtout un musicien hors pair sachant s'entourer des plus grands talents pour faire vivre une culture réunionnaise authentique et bigarrée, dont certains rassemblements éthyliques et bagarreurs se sont radicalement éloignés.

Vincent Ségal a été fidèle à lui-même dans son regard et ses postures, alternant les passages virtuoses autistiques et assurant le rôle de métronome hors norme ; certes il n'a pas sa carrure ni son allure mais je pense qu'il mérite le sobriquet de « Steven Seagal du violoncelle ». Piers Faccini, plus discret, a fait vrombir notre cage thoracique avec son timbre de voix proche d'un Leonard Cohen et a réduit les cœurs du public féminin en fragiles bibelots de porcelaine. On ne lui en voudra pas pour son « pain » sur le titre Manzé pou lo kèr, qu'il a divinement interprété et qui restera la plus belle version que j'ai jamais écoutée. La systématisation des reprises d'Alain Peters dans le répertoire des artistes réunionnais a tendance à me gonfler et à me rendre sévère mais quand l'hommage vient de son vieux dalon avec qui il a fondé le groupe Caméléon, mes jambes deviennent coton et je griffe aussi fort qu'un chaton.

D'ailleurs je réserve mes dernières louanges à la fille de René Lacaille, Oriane, multi-instrumentiste et délicieuse choriste sur le fil en vous donnant rendez-vous jeudi 12 avril, à 19h au Zinzin, pour un concert intimiste de Bonbon Vodou, le projet musical qu'elle partage avec JereM. Ce duo propose des chansons revigorantes, faussement naïves et résolument dadaïstes. Les paroles bien léchées proches de l'univers comico-utopiste de Mathieu Boogaerts se marient sympathiquement aux rythmes de dombolo, de soukouss, de séga et de maloya. Venez me payer une bière devant ce feel good concert, surtout si vous ne connaissez pas encore le Zinzin, ce chaleureux repaire.

Manzi (pou lo kèr)