En Octobre 2017, Céline Furher vient à Champ Fleuri pour présenter son nouveau film : Apnée. Elle bosse alors avec ses compères, sur l'écriture de son prochain spectacle : « Jusque dans vos bras ». Et me glisse à l'oreille que plusieurs salles en refusent la programmation. C'est que Les Chiens de Navarre ne se sont pas calmés. Et que taillader l'identité nationale, c'est risqué. Qu'importe. L'heure de la Curée a sonné. J'ai vu l'ovni. J'en ai bavé. Mais j'encense cette pâtée.
Quand je m'installe, je suis presque déçue. Pas de Christ sanguinolent dégobillant ses inepties cocasses à 10 mètres au dessus de nos fauteuils, en guise de comité d'accueil. Des feuilles mortes, une moquette verte, du champêtre bas de gamme et un MC mou du genou. Pas de quoi aboyer. Pas encore. Au bout de quelques minutes pourtant, le gourou barbu a réussi à nous transformer en nigauds lobotomisés pour une cocasse parodie, à mi-chemin entre une messe dominicale et un séminaire cheap sur les techniques de manipulation à l'usage des cadres débutants. Tout le monde se tient la main, en ânonnant les yeux fermés « je suis en colère, je ne me laisserai pas faire. »
Fin du premier tableau. Point de Christ donc dans cette nouvelle pièce, mais douze stations. Et le fil rouge de la colère, pour traverser ce chemin de croix.
Je te ferai grâce de l'énumération descriptive de ces scènes de la vie de province, ou parisienne, à la sauce canine. Manzi, beaucoup plus courageux, s'y est attelé. Lis-le. https://www.bongou.re/bouillant/2018/les-chiens-de-navarre-aboient-et-le-car-a-vannes-passe/
Je te dirai juste qu'on retrouve dans cette nouvelle création les leitmotivs chers à la troupe. Les images choc pleuvent dans la France chic. On se tape sur le paletot le jour d'un enterrement pourtant réglo. Cercueils ouverts et macchabées au grand air. Les agapes sur nappes à carreau finissent en pugilat pour alcoolos. La bête humaine n'est jamais loin sous les allures mondaines. On écoute les bourgeois déjeuner sur l'herbe. Et cracher du bout des lèvres leur mépris des étrangers avec des rages mal digérées. Le vin coule. Le sang aussi. C'est qu'être français, on sait plus bien ce que c'est.
D'autant que les chiens dézinguent les symboles forts de notre noble identité. Obélix, ton ancêtre le gaulois est un obèse repenti qui compense par la bouffe sa frustration existentielle. Jeanne D'Arc une terrifiante pucelle qui ne rêve que d'être fourragée, Marie-Antoinette une aristo nympho, et de Gaulle s'appelle secrètement Brahim. Les noirs sont prêtres rockers, prophètes rimbaldiens ou esthètes de la danse contemporaine. La culture n'a pas de couleur. Et le français moyen pas de saveur. Dans son salon diaphane, il rêve d'être un bon pasteur. ” On accueille des réfugiés, parce qu'on ne savait plus quoi faire . . . après le tri sélectif “. La réplique est couillue.
Où va la France, je te le demande. Certainement pas de l'autre côté de la Méditerranée. Les réfugiés crèvent et les requins meurent de honte. Les bureaux d'accueil pour migrants sont des antres pathétiques où mécènes et victimes jouent double jeu. Pas d'angélisme derrière l'altruisme, dans les deux camps, on se trompe d'Eldorado. Et on finit au bout du rouleau. Alors ils ont beau la porter jusque dans vos bras, cette France là, on n'en veut pas.
Quoi qu'encore plus cyniques, les cabots n'ont rien perdu de leur brio. Tableaux foutraques, rythme dingo, et punchlines à gogo. Madame de Staël avait raison. Au plus je connais les hommes, au plus j'aime ces chiens.
Zerbinette