Le CDNOI programme deux représentations de Timon/Titus (le 30 et 31 janvier), pièce mise en scène et interprétée par le collectif OS'O. Quand on entend parler de collectif au Grand Marché, on pense immédiatement aux Chiens de Navarre et au Raoul Collectif, deux comités qui ont radicalement marqués le public réunionnais. Comme Bongou n'aime pas trop ceux qui la jouent perso et vénèrent les propositions barjos, voici notre interview franco.
Pour répondre à cet entretien de bon goût, comment votre collectif a choisi le malheureux élu ?
On a voté. Le collectif dispose de l'application Lucky Wheel, sorte de roue de la fortune numérique : tu tournes la roue et tu sais quelle tâche t'es attribuée. Qui s'occupe de tel atelier ? Qui fait les comptes ? Qui répond aux médias ? Bon ben là, c'est moi (Baptiste Girard) qui ait gagné. Désolé.
Quels seraient les points communs entre OS'O et ces deux autres collectifs sus-cités ?
Déjà ce sont deux collectifs qu'on aime beaucoup. Je dirais que l'élément commun c'est le plaisir du jeu, le fait d'être inscrit dans un projet où l'acteur est au centre. On aborde le fait sociétal, politique jusqu'à l'incorrect. L'idée c'est que les sept acteurs se défoncent sur scène jusqu'à l'absurdité. L'humour ne nous fait pas peur car il permet de faire passer la rampe.
Avec un peu de cynisme on a un peu l'impression que le terme « collectif » est aussi à la mode dans le milieu théâtral que le mot « opus » l'est dans l'industrie musicale, non ?
Bah, c'est mieux que la Bande à Basile, non ?
Concrètement, c'est quoi l'avantage d'être un collectif ?
Le principal avantage c'est la discussion : être plusieurs c'est être plus riches. C'est aussi un gain de temps, ça donne confiance. Jamais aucun d'entre nous n'aurait osé monter sa compagnie tout seul dans son coin.
Donc, on est loin d'une organisation de doux rêveurs. C'est un modèle opérant qui doit plaire à la République en Marche, non ?
Ouais c'est la start-up nation ! Mais ce modèle horizontal c'est pas très Macron, non ? Si notre exemple peut les intéresser, qu'ils viennent nous rencontrer (rires)
Quand on est organisés en collectif, le propos est-il forcément engagé politiquement ?
Nous, la première question qu'on se pose c'est : qu'est-ce qu'on a envie de raconter ? Qu'est-ce qui nous révolte ? À quoi sert le théâtre ? On cherche des propos qui auront tendance à résonner sur un long terme. La pièce Timon/Titus tourne depuis 2014 mais le sujet continue de nous animer quatre ans plus tard.
La dette est un sujet essentiel dans la pièce : dans le monde actuel, quelle est la situation la plus absurde liée à la dette ?
David Graeber (auteur de l'essai « Dette : 5000 ans d'histoire » qui a servi de base à la pièce) a cette formule que j'aime bien : « À toute question compliquée il y a une réponse simple mais qui est fausse ». C'est le cas avec la dette que les politiciens nous ordonnent de rembourser alors que c'est faux. C'est le propre de l'État d'être endetté. Ce qui est intéressant c'est que cette dette d'argent découle sur la culpabilité et le pouvoir politique joue sur ce sentiment de culpabilité, inscrit dans nos sociétés judéo-chrétiennes.
Justement, en parlant de culpabilité : en tant qu'acteur, avez-vous déjà ressenti ce sentiment ?
Tout le temps ! Pour cette pièce, le metteur en scène a commencé le travail de réflexion en nous demandant si on se sentait endettés. La réponse était « NON » mais, à la question « Vous sentez-vous coupables ? », tout le monde a répondu « OUI ». Dans le collectif, on se sent coupable de tout, on est toujours désolés car on cherche une justice parfaite.
Moi qui rédige cette interview, je me sentirais coupable de ne pas donner envie aux lecteurs de venir vous voir. Comment les convaincre que votre spectacle est aussi drôle qu'instructif ?
En posant cette question ! (rires)
Comment une pièce qui revendique un héritage shakespearien, évoque les notions de dette et de culpabilité peut être un divertissement jouissif?
Disons qu'on essaie de prendre en considération le public. Si le sujet est complexe, on veut toujours qu'il reste accessible. On se demande toujours quand on crée nos pièces : est-ce que ma mère ou ma grand-mère pourraient comprendre ce spectacle ? Surtout on ne veut pas asséner une vérité.
Sans faire gonfler vos chevilles, quelle est la meilleure critique reçue pour Timon/Titus ?
C'est jouissif ! Jubilatoire ! Les gens y disent ça... c'est marrant car on aime pas trop ces deux mots... (Bongou exulte puisqu'il a signé la charte B218, interdisant formellement l'usage de ces deux adjectifs surexploités en milieu cultureux)
Et la pire ?
C'est frais ! Y'a de l'énergie ! En fait, tu sais pas ce que la personne a voulu dire... (rires)
Selon vous, c'est quoi le bon goût ?
Euh... le bon goût... un gros gâteau au chocolat ? C'est dur de répondre car tous les sept, on aurait une définition différente du bon goût. Allez, je dirais : une scène bien gore où l'on réussirait à se couper la main et que ça pisse le sang sur le public !
Entretien téléphonique entre Baptiste Girard et Manzi