Dans un mythe occidental, si mes souvenirs sont bons, à l'origine il y a un mâle, une côte, de la boue, un jardin luxuriant, et des problèmes qui commencent.
Les péripéties, on les connaît tous, elles conduisent tout droit à la chute, et dans une persévérance remarquable qui dépasse bien les frontières de l'occident, au bûcher, à la lapidation, à la cuisine, puis au lit, puis à genoux sous le bureau d'un producteur adipeux, ou d'un président au brushing impeccable, ou... La liste est trop longue, le raccourci compris, le mythe a la dent dure et les vagins en sont pleins, de dents : l'origine du mal, c'est la femme, comme ne le peint pas forcément Courbet.
Mais voilà que dans un récit épique et merveilleux aux allures de conte barbare, Bertrand Mandico revisite le mythe originel en nous entrainant dans une remontée fabuleuse et malicieuse vers les origines du mal, et à l'origine c'est le mâle que l'on débusque.
Un crime fondateur, une pénitence, un voyage initiatique sur des eaux noires et tumultueuses sous la gouverne d'un étrange capitaine mutant, sur un bateau-nef aménagé en cabinet de torture, et au bout du voyage une île, véritable jardin des délices, au sein de laquelle cinq petits mâles violents et délurés en purgation de leurs crimes revivront dans un délire orgiaque l'expérience de la création.
L'île, c'est la Réunion, mystérieuse et tentatrice, napée de brumes opaques, gorgée de miels et de sucs, parée de montagnes aux regards humains, recouverte d'une toison végétale où s'accrochent des bijoux précieux, organes offerts aux bouches assoiffées des garçons sauvages, mousses et buissons accueillants à leurs ébats lubriques, fruits doucereux qui une fois sucés dispensent leur filtre enchanté.
Mandico filme la Réunion comme une terre fabuleuse, terre des origines, terre érotique, terre femelle lascive et féconde, paradis d'où émerge une nouvelle espèce riche de promesses. Son cinéma baroque, foisonnant de trouvailles visuelles et de recherches plastiques opère une transmutation à la fois fascinante et jouissive de l'île qui devient tout entière érogène.
Loin des films conçus comme des cartes postales promotionnelles qui nous vendent une Réunion lyophilisée, Mandico sublime notre île par des procédés emplis de la candeur du cinéma des origines et par la facétie de son imaginaire débridé.
Et Mandico créa la femme, faite île.
Courez, courez, voir Les Garçons sauvages, ce soir, demain et lundi au Ritz de Saint-Denis à 18 h00 ou 21h10, après ce sera trop tard. Courez et partez ensuite sur les chemins, par la forêt, entre mer et pitons, assouvir vos désirs réveillés par la force tellurique de ce film dionysiaque : fé péter le volcan !
Anabzl