On m'avait toujours vendu le punk comme un mouvement dans lequel les femmes avaient naturellement toute leur place. Dans mon imaginaire, la contestation 'No-Future' et la provocation punk ne pouvaient se conjuguer qu'avec l'émancipation féminine. Les images d'Épinal du Bromley Contingent contrebalançaient l'attitude un brin sexiste de Steve Jones, le film La Brune Et Moi (Philippe Puicouyoul, 1979) se posait comme un véritable hymne à la libération féminine, l'anarco-punk et ses positions anti-patriarcales offraient un renfort précieux aux luttes pour les droits des femmes...
Au début des années 90, les premiers concerts angevins de groupes 'féminisés' auxquels j'assistais semblaient pourtant vouloir infirmer cette belle idée. La chanteuse en bas-résille/jupette des Specimen se faisait copieusement siffler par quelques homo-erectus libidineux, et les remarques obscènes fusaient régulièrement sans que personne dans le public ne s’en offusque véritablement. Ne s'agissait-il pas là du pendant de la démocratisation intense qu'avait subie ce mouvement underground tout au long des années 80 ?
Ne jamais baisser la garde... Il avait fallu la piqûre de rappel de quelques groupes raccords avec les luttes pour les droits fondamentaux pour réaffirmer une identité féminine pourtant à la base indissociable du punk. Le cri de ralliement des Thugs - Allez les Filles*! - résonnait enfin, et le charme romantique de la poésie politisée de Bégaudeau et de ses Zabriskie Point faisait succomber toutes les futures punkettes.
Trente années plus tard, on prenait l'entière mesure du fossé qui séparait les mentalités 'éveillées' - pour utiliser un terme parfois urticant - circulant désormais dans nos scènes contemporaines, de celle qui avait prévalue dans le milieu du punk à une époque alors encore fortement marquée par le sexisme. Pouvait-on parler de féminisme punk ? Il existait dans ce mot une part de radicalité, d'extrémisme et donc de méfiance que j'éprouvais à l'égard de toute idéologie. Je préférais pour ma part évoquer sa féminisation.
En une génération, les filles s'étaient clairement appropriées le mouvement. Les groupes 'mixtes' étaient devenus la norme. Les 'all-girls bands' n'étaient plus l'exception. On goûtait désormais avec délice cette touche de féminité, omniprésente, qui revitalisait le genre, renouvelait les thématiques et émoustillait nos sens. On ne se lassait pas d'écouter la voix spontanée de telle chanteuse, d'apprécier ses envolées parfois un rien bancales, de boire son écriture décalée, tout en s'enflammant pour son déhanché et ses courbes. On se plaisait à observer sur scène le tact et le jeu sexy de telle autre musicienne. Toutes nous emportaient sans résistance dans leur univers. On ne pouvait qu'applaudir cette poussée du punk conjuguée au féminin, qui avait largement contribué à pacifier un milieu autrefois trop masculin et souvent agressif, et à troquer le nihilisme ombrageux de beaucoup pour une attitude des plus positives, dans une atmosphère saine et constructive. C'était en cela que ce courant restait musicalement et sociétalement avant-gardiste. Et donc toujours résolument ancré dans la modernité.
La scène réunionnaise n'échappait pas à ce large mouvement d'ensemble. Pour preuve, sur la compilation Maudit Tangue #6 sortie (en vinyle !) en 2022 (Maudit Tangue Records), pas moins de six groupes locaux (sur les neuf présents) comptaient en leur sein au moins une membre féminin - Thee Orlando's, Kilkil, Tuelipe, Tukatukas, MonOi! et les Make-Overs (d'Afrique du Sud, en invité spécial). Les nombreux concerts de groupes 'mixtes' qui avaient égayé notre été austral - Pamplemousse, Putan Club, the Circle A, Johnnie Carwash, Fenwär, TzeTze, TABA!, My Own Klub... - reflétaient également cette tendance.
Cette série se voulait un hommage au punk et au rock'n'roll féminins, tels que vécu ici, à La Réunion. Un écho, perçu localement, de cette tendance observable dans le monde entier. Une chronique au long cours, en huit épisodes, débordant de féminité, de coquetterie, de savates-deux-doigts, de moiteur tropicale, de punkettes au look affirmé, de rockeuses enjouées et de positivité... Allez les Filles* !
* Allez Les Filles, Les Thugs, Strike, 1996
Olive The Jerk du blog Shut Up & Play The Music
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Épisode I : Make-Overs (Quatrième Tournée Réunionnaise) - Du 04 au 18 Novembre 2022
Épisode II : Samedi 03 Décembre 2022 - StudioTic, Saint Denis
Scène 1 : Pamplemouse
Scène 2 : Putan Club
Épisode III : Rock à la Buse Sud : Vendredi 03 Mars 2023 - Le Kerveguen, Saint Pierre
Scène 1 : The Orlando's
Scène 2 : Le Kerveguen (+ Kilkil + Usé + Warfield)
Épisode IV : Rock à la Buse Est : Vendredi 10 Mars 2023 - Bisik, Saint Benoit
Scène 1 : MonOi!
Scène 2 : the Circle-A
Scène 3 : Johnnie Carwash
Épisode V : Rock à la Buse Nord : Samedi 18 Mars 2023 - La Cité des Arts, Saint Denis
Scène 1 : Tuelipe
Scène 2 : la soirée (Johnnie Crawash + Riske Zero + La Jungle)
Épisode VI : Fénwär - Samedi 08 Avril 2023 - StudioTic, Saint Denis
(+ Feed The Ire + Nosferâ)
Épisode VII : TzeTze - Samedi 22 Avril 2023 - StudioTic, Saint Denis
(+ Riske Zero + Turbo Tits)
Épisode VIII : TABA - Samedi 13 Mai 2023 - Jardin d'État, Saint Denis
(+ Kilkil + My Own Club)