ÉCRIRE POUR EXISTER

Après Amours et désamours, paru en 2020, La poétesse Isabelle Raimbaud continue à polir ses maux. Dans son nouvel opus, Au fil de soi, la voilà qui pousse plus loin l’introspection, explorant ce qui nous guette, lorsqu’on reconstruit une histoire, après quelques déboires. Avec une honnêteté brute, des vers libres, sensibles et épurés, l’autrice livre des poèmes qui parleront à tous ceux qui ne se lassent jamais d’essayer d’aimer. Comme Bongou est fasciné par la fabrique poétique, on met le nez dans la mécanique !

1. Comment es-tu venue à l’écriture ?

J’ai toujours aimé les mots, leur son, leur musicalité, jouer avec eux. Puis, j’ai découvert à l’adolescence le plaisir de la lecture. L’écriture a donc d’abord commencé à faire partie de ma vie à travers la lecture. Que de voyages intérieurs ! Au fil du temps, je me suis mise à coucher sur le papier des émotions, écrire quelques pensées, transcrire des états d’âme. Mes choix de vie m’éloignent un temps de ce monde créatif, mais la voie de l’écriture se manifeste de nouveau à moi : explorer, créer, exprimer ne me quitteront plus. Comme un élan vital, un besoin viscéral.

2. Pourquoi avoir choisi le genre poétique

Le genre poétique me plait de par sa brièveté, sa musicalité et sa liberté. La poésie peut se présenter graphiquement sous diverses formes, c’est un terrain de jeux immense. On peut aussi s’affranchir de pas mal de codes, je ne les maîtrise pas forcément ni ne cherche à les maîtriser d’ailleurs.

3. C’est ton deuxième recueil. Ta plume a-t-elle évolué ? En quoi ?

Elle a évolué vers plus de thématiques, j’aborde les sujets qui me touchent et qui m’ont toujours touchée, mais qui n’apparaissaient pas dans le premier recueil. J’ai aussi décidé d’ajouter un poème, qui avait été écrit avant la publication du premier recueil, un poème très intime qui malheureusement touche tant de personnes.  La forme a aussi évolué, j’ai exploré l’univers des haïkus, en leur associant des photos.

4. Tes poèmes d’amour évoquent la difficulté à se livrer. Comment gères-tu l’écriture de l’intime ? 

Quand je me sens triste, heureuse, envahie par des émotions intenses, je les ressens, les vis et l’écriture vient à moi, comme une évidence. Certains partent courir en montagne, nager, danser, moi j’écris. L’écriture de l’intime m’est donc essentielle, réussir à exprimer mes ressentis les plus intimes me permet de me sentir en équilibre, en cohérence avec qui je suis, en cohérence avec l’altérité aussi. Ecrire sur l’intime c’est une façon d’analyser les expériences, c’est une forme de thérapie, de catharsis, une façon d’apprendre et d’avancer plus sereinement, avec plus de sagesse. 

 5. As-tu un rituel d’écriture, et si oui, lequel ? 

Je n’ai pas vraiment de rituel d’écriture, l’envie d’écrire me saisit, je prends simplement un papier, un crayon et je note les mots qui me viennent, je saisis cet instant où je ressens les mots. Ce peut être chez moi, dans mon salon ou ma varangue face aux arbres et à la mer, on encore dans la nature. J’ai besoin de papier, de crayon ou de stylo, ça oui. Je n’écris jamais sur ordinateur, pas lors de ma création. Je ne change aucun mot. Je les laisse tels quels. Je suis très instinctive, brute. Aucune place pour les fioritures, les dorures ou apparats.  

 6. Quels sont tes maîtres en poésie ? 

Je ne lis pas tant de poésie que cela, j’apprécie certains auteurs comme Andrée Chedid, Pablo Neruda, Verlaine, Antonio Machado, Marguerite Yourcenar. Mais, mon écriture est libre, spontanée, elle n’a pas de maître.

 7. Ta poésie s’ancre aussi dans le territoire réunionnais. Pourquoi avoir choisi la forme du Haïku pour le célébrer ? 

La Réunion est poésie, source d’inspiration sans fin, une île si intense, belle et sauvage. Des paysages dans lesquels je prends plaisir à m’apaiser, me ressourcer, me déconnecter. Le territoire réunionnais m’a appris la solitude, l’espace et le temps présent. Le mental se trouve alors comme suspendu, j’entre dans une forme de méditation active. Et, c’est bien là un des aspects du Haïku. C’est donc venu naturellement, sans y penser réellement.  Mais, bien d’autres formes peuvent le célébrer et je compte bien en explorer quelques autres. 

© Léa David

8. Ton recueil fait la part belle aux arts visuels (peintures, photographies), pourquoi ? 

Les mots offrent tant d’images et des images naissent les mots. Pour moi, les arts sont tous liés, entrelacés, complémentaires ; je n’aime pas les cases, les cloisonnements, l’enfermement. L’idée de relier entre eux différents univers me plaît, je crois que tout se sublime, s’enrichit et acquiert une nouvelle dimension.

9. Tes prochains rêves d’écriture ? 

Hum, bonne question. Alors je dirais : la poésie encore et toujours avec un troisième recueil en essayant de varier encore plus les formes. L’écriture de nouvelles, j’aimerais bien explorer ce genre, j’y pense depuis quelques temps et soyons fous un roman mais pour cela il me faudrait plus de temps, ça viendra. Je sens que mes amis vont encore recevoir des bribes d’écriture régulièrement. Ah les pauvres, je leur envoie souvent mes mots.

 10. Et forcément, la question qui clôt chacune de nos interviews : ta définition du bon goût ?

La première chose qui me vient à l’esprit c’est Jean-Pierre Bacri. Ah ! le bon goût…  C’est difficile de définir certains concepts, surtout de manière concise, ce serait comme les réduire, les figer, empêcher leur impermanence. Mais bon allez, je vais essayer : si je devais définir le bon goût, je dirais que c’est tout ce qui peut émouvoir, toucher au plus profond de soi, bouleverser.

Propos recueillis par Zerbinette avec la sympathique participation d’Isabelle Raimbaud.

Au fil de soi, Isabelle Raimbaud, Édilivre

SÉANCES DE DÉDICACES 

Le samedi 19 mars de 14h à 18h à la librairie Autrement de Saint-Denis.

Le samedi 26 mars de 15h à 17h30 à la librairie Gérard de Saint-Denis.

Le samedi 30 avril de 14h à 18h à la librairie Autrement de Saint Pierre.

Le samedi 7 mai de 15h à 20h à l’espace culturel du Leclerc portail.

Credit photo : Charlotte Boiron Underwater.