LARGUÉES, COMÉDIE COSMÉTIQUE AU COEUR D’UNE ÎLE EN TOC

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Qui a échappé au pitch de Larguées sur notre île, quand, de conférence de presse, en avant-première, d'articles papier en interview, la promotion du film soutenu par l'AFR et la Région Réunion déploie son char d'assaut dans tous les médias et sur les réseaux sociaux ? Le produit en effet brille par son principal argument marketing martelé : le film a été entièrement tourné à la Réunion.

Lequel argument a plutôt desservi Les garçons Sauvages  de Bertrand Mandico, soit dit en passant, également tourné à La Réunion, qui a essuyé sur notre île la sortie la plus religieusement silencieuse du monde libre, presque honteuse, pourrait-on dire. Ce film a été projeté la semaine dernière au Ritz sans même une affiche pour le signaler au frontispice du cinéma, et chroniqué en tout et pour tout dans les excellentes pages de Bongou, relayant en cela une critique internationale unanimement élogieuse.

Mais ajoutons notre son de cloche au concert publicitaire, et pour ceux qui participaient à un stage de survie à la Plaine des cafres et ne connaissent toujours pas le sujet de Larguées, le voici en peu de mots : Sauver maman. Maman, c'est Françoise (Miou-Miou), récemment abandonnée par son malotru de mari qui lui préfère une jeune infirmière de trente ans sa cadette. Françoise est reprise en main par ses filles, interprétées par Camille Cottin et Camille Chamoux, qui l'embarquent pour un séjour dans un club de vacances à la Réunion.

L'argument de la comédie est simple mais n'est pas sans charme. Soutenu par un casting féminin réussi, une thématique assez osée, à savoir la survie sexuelle en milieu hostile de la femme de plus de cinquante ans, le film pouvait comme l'annonçait Les Inrocks “renouveler l'image de la femme dans la comédie”. Un créneau porteur, à en croire le public nourri venu assister à la séance vendredi soir au Cinépalmes de Sainte-Marie et composé à 80% de dames.

Cependant, jamais la réalisatrice Éloïse Lang ne s'intéresse vraiment à son personnage de femme mûre : délaissée par son mari, elle l'est doublement par la mise en scène. Reléguée le plus souvent à l'arrière-plan, voire hors-champ dans les scènes de séduction, la réalisatrice se défend de regarder son personnage en face, comme ses filles en proie à une crise d'hystérie pudibonde lorsqu'elles découvrent avec horreur les délicieuses pratiques solitaires de leur mère.

Certes, leur réaction est drôle, mais trop souvent le comique nait aux dépens du personnage et ce n'est pas justice, car cette femme dépressive, puis libérée, prête à toutes les expériences, reste un faire-valoir, et la formidable actrice qu'est Miou-Miou ne trouve pas le rôle comique qu'elle méritait.

Au lieu de cela, les personnages infantiles et stéréotypés de Camille Cottin et Camille Chamoux se partagent la vedette dans une succession de sketchs le plus souvent drôles, parfois franchement vulgaires ou grotesques.

En réalité, Larguées, au féminin pluriel, rate son vrai sujet en refusant de s'intéresser à la mère pour lui préférer le couple antagoniste des deux sœurs. On rit bien sûr, la mécanique des contraires appliquée aux relations familiales fait recette, Camille Cottin en rockeuse délurée convainc plus que l'autre Camille dont le personnage de fille à maman vouée à la perfection est relativement ennuyeux. Cependant, on regrette que la comédie ne soit pas plus ouvertement subversive pour traiter de la mise au rancard programmée des femmes vieillissantes.

La comédie caustique qu'on attendait applique un voile cosmétique sur ce qui fâche. Elle est sans relief, pareillement à l'image de la Réunion qui nous est présentée. Le film réussit la prouesse de gommer toutes les spécificités de nos paysages, au point qu'il aurait pu être tourné n'importe où. L'action est le plus souvent cantonnée au décor aseptisé d'un hôtel cinq étoiles de bord de mer propice à faire rêver le touriste avide de loisirs balnéaires standardisés au son de zouk antillais et de techno industrielle. Ni le pays, ni ses habitants ne sont concernés par ces Bronzés à la sauce tropicale. D'ailleurs, les réunionnais sont résolument absents du casting principal, relégués à l'état de figurants, ils n'intéressent nullement ce film de touristes pour touristes.

Larguées, d'Éloïse Lang, au Cinépalmes Sainte-Marie jusqu'au 8 mai.

Anabzl.