“Sac la mort”, deuxième long métrage d'Emmanuel Parraud, sorti en février 2017, ressort accompagné par son auteur dans un circuit de salles non commerciales de l'île. Le film, souvenez-vous, a été tourné dans les hauts de la Réunion, entièrement en créole avec des acteurs majoritairement non-professionnels.
Largement inspiré par ses acteurs, leur vie et leur imaginaire propre, il raconte l'histoire de Patrice, cafre de Piton-Saint-Leu qui est persuadé d'avoir marché sur un sac la mort qui lui porte malheur.
Ça commence comme un polar, par un meurtre dans les champs de canne, se poursuit comme un road movie à pied entre les cases en tôle, la voie rapide, les coulées de lave, l'océan et la montagne, oblique vers l'onirisme et le fantastique, et explose dans la faconde de personnages tour à tour drôles et pathétiques, toujours sur le fil, toujours au plus proche de leur vérité.
On tremble avec Patrice, rit avec Charles-Henri, frissonne avec Alix, et toute cette micro société survoltée, qui ne tient pas en place, joue, chante, pleure, discutaille sans fin, nous ravit par son humanité exubérante.
Emmanuel Parraud nous raconte une histoire de violence sans fin, violence de la société à laquelle il faut se conformer et qui rejette, violence ancestrale du sang qui appelle le sang, mais jamais il ne verse dans le misérabilisme, son amour pour ses personnages et les acteurs géniaux qui les incarnent transperce la toile.
Alliant l'esthétique documentaire à la dramaturgie d'une fiction hallucinée, « Sac la mort » est un film singulier dans le paysage cinématographique français, de par sa « méthode » qui embarque les acteurs dans la création du film, ses conditions de réalisation entièrement libres en raison du peu de budget dont il bénéficie, et l'héritage humaniste d'un cinéma à la Jean Rouch qui n'a plus guère droit de cité.
Si vous ne l'avez pas déjà vu, ce qui est à mon sens une faute inexpiable quand on aime le cinéma inspiré, exigeant, imprudent, drôle, poétique et engagé, c'est le moment de vous précipiter à Lespas, le jeudi 27 septembre pour une dernière projection en compagnie du réalisateur et de ses acteurs mythologiques !
Spectacle sur la toile et dans la salle garanti !
Anabzl