Putain qu'est-ce qui m'a pris de me lancer dans ce panégyrique d'Arnaud Aymard ?!? Si l'objectif premier de cette bafouille est de convaincre le maximum de personnes de venir voir cet hurluberlu vendredi 17 mai au Théâtre Luc Donat et le dimanche 19 mai au Zinzin (18h), je voudrais surtout vous communiquer l'admiration que j'ai pour ce joyeux drille.
L'année dernière, Fabcaro a écrit un roman hilarant « Le Discours » pour étaler son angoisse à l'idée d'écrire une allocution pour le mariage de sa sœur et me voilà dans la même torpeur pour vanter un artiste qui m'a procuré tellement d'instants de bonheur. Il ne s'agit pas simplement de faire la critique élogieuse d'un spectacle mais plutôt de remercier sincèrement un tchatcheur à l'origine de moult fous rires, qui a transformé un simple spectateur en fervent sbire. Je pourrais essayer de me creuser les méninges pour caractériser l'humour atypique de ce comique par une phrase choc foireuse du genre « Si Monsieur Fraize et Edouard Baer étaient passés par une mère porteuse dénommée Fred Tousch pour mettre au monde un rejeton, il s'appellerait Arnaud Aymar » sauf que ce lâcher de noms ne parle qu'à une minorité bien éclairée et ne révèle pas la vénération que je porte à ce trublion.
Prenons par exemple ce spectacle « Canoan contre le Roi Vomiir », sorte de conte, en grande partie improvisé. Eh bien sachez que les contes m'emmerdent et que le théâtre d'impro me file de l'impétigo. Pourtant, je retournerai voir cette épopée bricolée encore dix fois sans hésiter et j'ai la modeste ambition de vous inciter à m'accompagner. Oubliez Bettelheim et sa théorie psychanalytique et laissez-vous porter par ce délire initiatique. Si le théâtre d'impro peut être joué avec brio, souvent la démonstration tourne en rond par manque de scénario alors que l'égarement de notre bonimenteur ne perd jamais sa direction malgré les multiples divagations. Pour apprécier l'humour d'Arnaud Aymar, il faut être paré au traquenard et ne pas se contenter d'une histoire. Le conte n'est qu'un prétexte à digressions, auto-flagellation et élucubrations repoussant les limites de l'imagination. Nous sommes dans la tradition du théâtre de rue – le voir dans un si grand théâtre est presque incongru – un théâtre pauvre qui a la dalle et qui, pour exister, se doit d'être original. Ce qui me fascine avec ce baratineur c'est son attirance à flirter avec le bide, tester les limites de son auditoire, jouer avec les nerfs de son audience. Autant je me demande comment un comédien peut encore éprouver du plaisir à jouer la même pièce pendant des années, autant je suis convaincu qu'il y a une forme d'exaltation à se livrer à la plèbe à moitié nu avec un fil conducteur aussi ténu.
Bien sûr, il y a parfois des ratés et je l'ai même vu se ramasser avec des représentations pas assez rodées mais, comme son compère Édouard Baer aussi fumiste que surdoué, c'est leur façon de créer. Il est clair qu'on est loin d'un humour policé, élagué pour plaire à la majorité. Il est question ici d'un rire singulier qui puise dans un registre langagier étoffé pour se vautrer dans une tordante ingénuité et viser des sommets d'absurdité. Si l'humour devait se comparer au rock, je dirais que les fans de punk ou de garage vont être conquis tant l'ensemble du propos est trituré, la prestation radicale et le son craspouille.
Je me revois à la fin de ma première rencontre avec Arnaud Aymar qui jouait L'Oiseau Bleu il y a environ 12 ans, sous un préau d'école, en compagnie d'un petit comité venu s'abriter entre deux averses d'été, totalement subjugué et épuisé par une prise de parole que je pensais totalement improvisée tellement elle était spontanée. J'aimerais tellement être à votre place ce week-end pour vivre cette première fois avec Canoan ou L'oiseau Bleu, ces deux monuments du boniment.
Manzi
Canoan contre le Roi Vomiir, vendredi 17 mai à 20h, au Théâtre Luc Donat
L'Oiseau Bleu, dimanche 19 mai à 18h, au Zinzin (Grand Bois)